Exhumé de son oubli, un beau remue-méninges autour d’un ménage à trois, encore plus pertinent aujourd’hui qu’à sa sortie.
Il n’y a pas si longtemps, le mot trouple n’existait pas. Encore moins dans les films français de la fin des années 70. Y parler de bisexualité, même dans la production porno de l’époque, était impensable. Au mieux, on avançait l’idée de triangle amoureux, mais tout en restant sous le sceau d’une hétéronormalisation. Même dans les cas évident de relation à trois, comme dans le Jules et Jim de Truffaut, impossible d’en sortir. Et puis Coline Serreau est arrivée pour ruer dans les brancards avec Pourquoi pas !, récit d’une parenthèse enchantée entre deux hommes et une femme partageant le même lit. Un titre affirmatif arborant un point d’exclamation et non d’interrogation. Peut-être parce qu’il était encore temps dans ces années 70 de revendiquer la possibilité d’utopie repensant les modèles sociaux, qu’ils soient amoureux ou familiaux, en faire les bases de relations harmonieuses.
Sauf qu’ à l’époque, il était déjà difficile de vivre d’amour et d’eau fraîche…
C’est là ou Pourquoi pas ! reste un film ahurissant en interrogeant au-delà de la sexualité les questions économiques avec une même philosophie de l’épanouissement. Le trio y a devancé jusqu’à l’idée de charge mentale ou de position économique. Aucun souci à ce que l’un des deux hommes s’occupe des tâches ménagères ni à ce que ce soit une femme qui subvienne financièrement à leurs besoins. Tout n’étant pas pour autant si facile quand chacun reste ici enchaîné à leur vie d’avant, quand l’une est constamment sommée de réintégrer le foyer conjugal par un mari, l’autre des enfants que leur nouvelle situation, forcément amorale aux yeux du monde, empêche de voir. Sans compter l’irruption d’une quatrième personne qui pourrait faire voler en éclat ce polyamour harmonieux.
Le plus beau dans Pourquoi pas ! Étant son plaidoyer, via cette mini-tribu, pour la liberté d’être différent afin de mieux conquérir le quotidien. Serreau l’adapte à un scénario et une mise en scène en reflet d’une vie ordinaire d’un trio qui ne l’est pas, filmant avec un parfait naturel sautes d’humeurs, coups de gueule, de folie ou de blues. De quoi s’exonérer d’une vision moralisatrice pour transformer un marivaudage moderne en élan, voire en programme de vie.
A l’époque de sa sortie, Pourquoi pas ! avait provoqué un beau remue-méninges autour de son ménage à trois. Il restera de courte durée : en dépit d’un accueil public et critique chaleureux, ce film deviendra rapidement invisible, faute d’être diffusé sur une télé encore empreinte de la pruderie de l’ORTF. Il réapparait aujourd’hui dans une version restaurée, qui renforce sa part d’actualité quand les questions posées il y a quarante-cinq ans restent prégnantes dans une époque qui confond développement personnel et rendement économique. Alors pourquoi se priver de Pourquoi pas ! et sa quête de bonheur pour tenter d’enfin remettre tout à plat ?
En salles le 7 décembre