La même semaine, on apprend qu’elle existe et qu’elle n’existe plus. La vie de cette militante et autrice féministe (giga badass) est aussi importante que méconnue. Vous allez la connaître, il faut juste lire l’article.
Cathy Bernheim s’est éteinte cette semaine, à quelques jours de ses 79 ans. Elle les aurait fêtés le 10 avril, aux côtés de sa partenaire, son amour, Michèle Revel. Cathy est une des plus grandes figures du féminisme français, mais elle est méconnue. On vous écrit donc qu’elle est née dans le Var, à Saint-Raphaël en 1946, qu’elle transforme « Catherine » en « Cathy » avant de partir pour des études de lettres à Nice, puis de monter à Paris. Là-bas, Cathy Bernheim travaille au théâtre du Lucernaire, elle est dans la rue pour les grandes manifs de 1968, puis elle entend parler de l’université de Vincennes et des cercles de penseuses qui se forment, là-bas. « On se rencontrait, on s’asseyait en rond, on se parlait de choses dont généralement, on ne parle pas avec des inconnu.es (…). Cela permettait de partager nos vécus, nos expériences de l’oppression, et d’en extraire les thèmes à aborder pour faire changer la société sur la question des femmes. »
Le sacre de la Femme du Soldat Inconnu
Le CV militant de Cathy Bernheim est admirable. Elle fut l’une de celles qui eurent l’idée et le courage d’aller déposer, sur la tombe du Soldat Inconnu, une gerbe et une banderole sur laquelle on pouvait lire : “Il y a plus inconnu que le Soldat Inconnu : sa femme”. C’était au pied de l’Arc de Triomphe, le 26 août 1970.
Ce jour du cinquantième anniversaire du suffrage féminin aux États-Unis, elles étaient 9 (dont les grandes Christine Delphy et Monique Wittig) à s’être fait aussitôt embarquer par la police. C’est ce jour qui marque la naissance du Mouvement de Libération des Femmes (le MLF), leur première action visible et retentissante. Peu de temps après, avec Monique Wittig ou encore Antoinette Fouque, Cathy Bernheim écrit l’Hymne des Femmes.
Une femme qui l’ouvre
Cathy Bernheim a aussi signé le “Manifeste des 343”, la liste des 343 Françaises qui ont eu le courage de signer “Je me suis fait avorter”. Elle est aussi l’une des rares à écrire sur l’homosexualité dans Le torchon brûle (le journal indépendant du MLF) avant de participer, au printemps 71, à fonder les Gouines rouges, qui fut le premier groupe lesbien créé en France. Profondément engagée pour la reconnaissance des droits des personnes queers, elle participe à plusieurs « happenings » pendant les assemblées générales du MLF, déclarant des choses comme : “Qu’est-ce que vous allez faire de nous ? L’homosexualité, ce n’est pas mon problème, c’est le vôtre”.
Lors d’une interview en 2020, elle mêle les invisibilisations que subissent les femmes dans le militantisme à celles subies dans la littérature. Cathy Bernheim lie ainsi son travail d’activiste à celui d’écrivaine, de poète : le mouvement même du MLF était structuré et pensé par la poésie, les débats littéraires et d’écrivaines. Elle écrit « Contrairement à leurs prédécesseurs, philosophes, moralistes, rationalistes, encyclopédistes, les écrivains romantiques ne tirent aucune leçon de la vie : ils l’expriment. » Pour elle, « Il ne suffit pas de considérer qu’il y a des problèmes de femmes. Je pense qu’il y a un problème, global, d’une société mixte où nous sommes à la fois hommes et femmes. »
« Je suis forte de l’amour de mes amies et de mes amantes »
Militante, photographe, journaliste, mais aussi traductrice et écrivaine, Cathy Bernheim était proche de Simone de Beauvoir et a beaucoup publié, racontant le mouvement féministe ou bien ses introspections. Elle a aussi écrit des romans, des livres pour les petits et des biographies. Elle a traduit l’Autobiographie d’Angela Davis en 1975 puis L’Épopée d’une anarchiste d’Emma Goldman en 1979.
Dans un article, le journal Le Monde se souvient de ses mots sur sa fin de vie, en 2019, au micro du podcast “Vieille Branche” elle disait : « Je suis forte de l’amour de mes amies et de mes amantes, et avec ça, je dois pouvoir traverser les épreuves qu’il faut… Pour aller où ? On n’en sait rien d’ailleurs, je m’en fous totalement. ».