La chronique de Jean Rouzaud.
On n’échappera jamais à la technologie, nouvelle croyance, nouvelle mythologie, boulevard de clichés en hommage aux ingénieurs, eux-mêmes polarisés et autistes, jouant aux apprentis sorciers.
Régnant sans partage dans les usines, les robots veulent coloniser Art et culture : c’est ridicule.
Les robots dessinent mal…
Les premiers artistes sont sympathiques, genre Tinguely et ses machines-sculptures animées et inutiles, mais rigolotes comme de vieilles moissonneuses, ou Nam June Paik et ses télés entassées, parfaitement Dada. Démarches solitaires et gratuites d’individus amusants.
Après, ça se corse, l’ironie et la distance se perdent pour faire place aux questions existentielles : les robots pensent-ils ? Trop con. On joue à se faire peur avec le pouvoir de pauvres moteurs électriques, et des tiges de métal : « oh, il bouge ! » Bébé est content.
Mais les sponsors industriels se sont mis à payer des néo artistes pour bricoler avec leurs programmes, leurs cartes électroniques et autres disques durs. Et ces bidouilleurs tentent de renvoyer des machins pour remercier le riche trust.
Comme avant, avec les mécènes princes, religieux ou dictateurs, les artisans se mettent au service des puissants fabricants et tentent des hommages désespérés. Le résultat, hélas est faiblard.
Pire : les machines à dessiner, téléguidées, faisant des formes, des ronds et des carrés, jusqu’au désespoir de l’ingénieur ? (en passant, même la 3D et les images de synthèse sont sans valeur, ternes et raides. À côté, les dessins des grottes préhistoriques – de n’importe où – paraissent des estampes d’un raffinement inouï).
Mais décidément, la technique, même assistée par ordinateur, continue de s’étaler, plate et attendue, partout ou des multinationales peuvent organiser foires et congrès publicitaires et même s’offrir des expositions d’Art ! Sponsors interlopes et mécènes affairistes…Pas moyen de renvoyer les robots à l’atelier, les ingénieurs à leur bureau et les industriels, si souvent destructeurs et jamais prévoyants, quand aux conséquences de leurs inventions !
Ce serait plutôt aux artistes et aux penseurs d’aller contrôler, dans les unités de recherche, la validité des machines et leur niveau de spiritualité. Avec l’arrivée de la lumière, des écrans, des faisceaux, lasers, pixels, certains ont vu la lueur au bout du tunnel mécanico – électronique, et cru à l’avènement d’une ère lumineuse, donc radieuse, dite cybernétique.
On constate que tout veut devenir de l’ « Art » : la mode, la photo, la presse l’architecture, la déco ou le design etc…Comme si dans un monde explosé, il ne restait qu’un modèle envié, mais qui ne tardera pas à être défait et dilué, métastasé par la multiplication du n’importe quoi !
La création artistique meurt de son succès. Mais que cela n’empêche pas les curieux de vérifier sur pièces (200 œuvres et 34 artistes, soit des milliers de pièces détachées !)
Artistes et robots. Grand Palais, galeries nationales. Du 5 avril au 9 juillet 2018. Entrée Clémenceau. Paris 8eme
Visuels : (c) Grand Palais