La revanche au bout du joystick.
Dans la vie comme dans les jeux vidéo, les communautés amérindiennes sont bien décidées à se faire entendre. La mobilisation physique, comme celle qui a eu lieu dans le Dakota du Nord, contre la construction d’un oléoduc finalement autorisée par Donald Trump, vise à préserver la terre. Dans le jeu, la mobilisation vise à préserver la culture et la dignité de ces communautés.
Déconstruction des clichés
Fatiguées d’être relégués aux rôles d’Indiens tués par des cowboys dans les jeux video, les communautés natives américaines se mobilisent pour rendre le monde du jeu vidéo plus inclusif. Les joueurs et les designers amérindiens se rassemblent, construisent des jeux plus respectueux de leur culture, et déconstruisent les clichés.
Des enseignements sont dispensés par certaines universités, comme celle de Concordia au Quebec, pour former ces nouveaux game designers. On peut notamment y suivre une formation sur la « représentation des territoires aborigènes dans l’espace virtuel ».
« Les jeux videos sont des formes d’expression créatives qui mélangent le design, le code, l’art et le son », écrit la chercheuse et game designer Elizabeth LaPensée sur The Conversation. « Malheureusement, beaucoup représentent mal les communautés natives (…) ou perpétuent des stéréotypes. Notamment parce que les jeux sont développés dans des équipes sans aucun membre originaire de ces communautés. »
La représentation des femmes est symptomatique des clichés accrochés à ces communautés. Longtemps, elles ont été représentées comme des proies sexuelles, ou comme des chamanes aux pouvoirs maléfiques, au choix.
Elle-même d’origine native américaine, Elizabeth LaPensée étudie l’impact des jeux sur la connaissance des cultures natives : « Lorsqu’ils sont bien faits, ils peuvent potentiellement devenir des espaces auto-déterminés, où les populations indigènes – c’est-à-dire les Premières Nations, Inuit, Métis, Amérindiens, Maori, Aborigènes, et d’autres communautés similaires – peuvent s’exprimer et se montrer dans des termes qui leurs sont propres. »
Repenser la colonisation par les jeux video
Derrière cette volonté d’attribuer un plus grand respect aux coutumes et à l’histoire des communautés, l’idée est aussi de repenser cette période historique. La culture américaine réutilise, dans la littérature et dans toutes les formes de création, le mythe de la frontière à dépasser, de l’exploration d’un territoire, et de son appropriation (par la force).
Dans les jeux video, il s’agit souvent pour le joueur de dessiner des cartes, de s’approprier une terre, aux dépens des populations locales quand il y en a, parfois assimilées à des espèces animales.
Age of Empires, par exemple, permet de faire évoluer des civilisations entières à travers les époques mais, selon Elizabeth LaPensée, catalyse l’attention sur l’appropriation de terres sur une carte, « ce qui renforce la vision colonialiste du monde. » Les humiliations subies par ces populations sont parfois perpétrées par le joueur, comme une étape dans sa quête : « Dans Age of Empire III, on peut notamment gagner des points en faisant danser les villageois dans un puits. »
Les clichés sont moins prégnants aujourd’hui, notamment grâce à la diversité grandissante chez les game designers. Sachant que les jeux video font partie intégrante de l’éducation des jeunes générations, on ose espérer qu’à ce rythme, plus personne n’osera dire dans dix ans que la colonisation a été “un partage culturel”.