L’image est encore intacte dans tous les esprits, tant elle a marqué l’histoire de la photographie. Capturée en 1972, « La petite fille au napalm » a été l’incarnation de l’horreur de la guerre du Vietnam. Le cliché a rendu célèbre le photographe Nick Ut… Sauf qu’il n’en serait pas l’auteur. C’est la révélation de « The Stringer », un documentaire présenté samedi dernier au Sundance Festival.
Signer l’une des photos les plus célèbres de l’Histoire, avec un grand H, ça ne peut que démarrer une carrière. Tel a été le destin du photojournaliste américano-vietnamien Nick Ut. Alors embauché pour le compte de l’agence Associated Press, en pleine guerre du Vietnam, il capture l’image de Kim Phuc, une petite fille nue, terrifiée et brûlée par le napalm, qui court vers l’objectif. Le cliché de La petite fille au napalm fait le tour du monde, et change la vie de Nick Ut. À tout juste 21 ans, il remporte le World Press Photo of the Year en 1972, puis le Prix Pulitzer en 1973… Sauf qu’il n’aurait en fait jamais pris cette photo.
« The Stringer », le documentaire qui remet en question la paternité de « La petite fille au napalm »
Cette stupéfiante révélation a été faite par The Stringer (« Le Pigiste« ), un documentaire réalisé par Bao Nguyen – en collaboration avec le photoreporter Garry Knight – et présenté ce samedi 25 janvier au Festival du film de Sundance, dans l’Utah. Pourquoi tel titre ? Parce que l’auteur véritable de La petite fille au napalm, celui qui aurait appuyé sur le déclencheur pour cette photo, serait un pigiste anonyme. Le mensonge, qui va durer plus de 50 ans, aurait commencé dans la chambre noire de l’agence Associated Press, au moment de développer les photos… Jusqu’à ce que Carl Robinson, l’éditeur, ne puisse plus supporter de dissimuler la supercherie. Selon Robinson, l’ordre serait venu de Horst Faas, le directeur de la photographie d’Associated Press, qui lui aurait demandé de créditer le photographe de la maison, un certain Nick Ut. Payé à l’image, le pigiste anonyme aurait touché… 20 dollars.
« J’ai travaillé dur pour cette image, et c’est Nick Ut qui a tout remporté »
L’équipe de The Stringer a même réussi à retrouver la trace du pigiste en question, par l’intermédiaire d’une journaliste vietnamienne, après un appel lancé sur Facebook. Il s’agirait de Nguyen Thanh Nghé, qui était chauffeur de l’équipe américaine de NBC, le 8 juin 1972, soit le jour où la La petite fille au napalm a été prise. Interrogé dans le documentaire, il raconte : « J’ai travaillé dur pour cette image, et c’est Nick Ut qui a tout remporté« . Le seum, en effet.
Face à la polémique, l’agence Associated Press campe sur ses positions, et continue d’affirmer que Nick Ut est bien l’auteur de la photo, contre-enquête d’une vingtaine de pages à l’appui. La justice pourrait même se saisir de l’affaire, puisque Nick Ut lui-même plaide la diffamation. C’est une annonce de son avocat, James Hornstein : « J’ai informé le cinéaste et le festival de Sundance que s’ils diffusaient le film, il y aurait une responsabilité pour diffamation. »
Après « La petite fille au napalm », l’histoire incroyable de Kim Phuc
À noter que le mensonge ne s’arrêterait pas à la seule image, puisque l’histoire raconte aussi que Nick Ut aurait conduit la petite Kim Phuc à l’hôpital de Cu Chi, sur la route de Saïgon, après avoir assisté à la scène. Sujet principal de la photographie, cette jeune fille vietnamienne est devenu un symbole dont la vie a été complètement changé par le cliché. D’abord exploitée comme outil de propagande par le régime vietnamien, Kim Phuc fuit le Vietnam en 1994, au retour de son voyage de noces à Moscou, dans des conditions rocambolesques. Elle s’échappe par la suite de Cuba, où le gouvernement communiste la maintenait sous étroite surveillance. Désormais naturalisée canadienne, Kim Phuc est devenue ambassadrice pour l’Unesco.