Plus brutal que de découper un tueur de gamines en morceaux ? Passer à la moulinette les moeurs israéliennes avec « Big Bad Wolves »…
Un tueur de petites filles rôde. Il est assez vicelard pour décapiter ses victimes après en avoir abusé, les familles ne retrouvant que des corps sans tête. De quoi mettre sur les dents les flics, qui n’hésitent pas à y aller un peu fort avec les moindres suspects, façon coups d’annuaires en pleine poire. Pas de bol pour un prétendu pédophile, le père d’une de ses dernières proies est un ancien militaire, prêt à tout pour savoir où a été enterré la tête de sa gamine. Y compris le longuement torturer dans une cave avec l’aide d’un agent fraîchement viré après une bavure qui s’est retrouvée sur You Tube
Ce pitch-là a comme un goût de déjà vu, et pas plus tard que l’an dernier avec Prisoners, le film de Denis Villeneuve avec Hugh Jackman en papa séquestrant un demeuré soupçonné d’avoir kidnappé ses filles.
Deux détails d’importance permettent cependant à Big bad wolves de faire la différence : un, Aharon Keshales et Navot Papushado n’ont rien contre l’humour, même noir, pour faire baisser la pression. Deux, si quelqu’un prend réellement des coups dans leur film, c’est la société israélienne.
Joli coup de pub pour les deux réalisateurs, Quentin Tarantino a balancé un peu partout l’an dernier, que Big bad wolves était un de ses films préférés du moment. On peut comprendre pourquoi quand sa majeure partie a des airs de version étendue de la scène de découpage d’oreilles dans Reservoir dogs.
Même principe, un gars attaché sur une chaise, et un tortionnaire face à lui. Et il n’y a pas qu’une gamine qui a perdu la tête dans Big bad wolves, quand son papa pète sérieusement les plombs, évacuant un peu plus toute idée de morale quand il annonce au suspect qu’il va lui faire subir les mêmes supplices que ceux endurées par les mortes. Soit une variation doloriste (et un rien gore) d’Alouette, gentille alouette. Et les ongles, et les doigts, et les orteils, jusqu’à, évidemment, la tête.
Big bad wolves pourrait donc être insupportable, une simple séance de torture porn, sans la vraie cible de Keshales et Navot Papushado. Ce jeu de massacre passe surtout à la question un pays où la notion de justice est chancelante, la faute à une tension permanente faisant du moindre soupçon, la mèche d’une bombe. Si parmi les outils et ustensiles utilisés par les tortionnaires on ne dénombre pas d’acide, les deux réalisateurs se chargent de le déverser à grandes rasades sur la plupart des institutions israéliennes: la famille (ah cette maman pénible, à force d’interrompre son fiston dans sa séance d’arrachage d’ongles), l’armée ( arrivé en renfort, un personnage balance « T’appelle ça de la torture ? De mon temps c’était autre chose« ), voire les deux (le personnage en question c’est le grand-père de la morte capable de techniques encore plus brutales !). Sans oublier de tacler le regard condescendant des juifs sur les arabes (une incroyable séquence de confrontation, balançant sur un air badin, ses quatre vérités).
A coups de vannes plus cinglantes que les coups qui pleuvent sur le présumé tueur de gamines, Big bad wolves retourne la question de départ, pour la poser autrement : Qui est vraiment coupable? L’assassin? Ceux qui pratiquent la loi du talion ? La réponse fera ravaler les rires jaunes pour aller plus franchement dans la noirceur des dix dernières minutes. Le plus inconfortable , n’étant pas de savoir s’il est complaisant ou non avec la violence (tiens on en revient à Tarantino) mais bien la zone d’ombre dans laquelle Big bad wolves évolue en réussissant à faire rire de choses glaçantes.
En salles le 2 juillet.