COMMENT LES CONFLITS CONTRIBUENT À L’INSÉCURITÉ ALIMENTAIRE, notre lecture du dernier rapport d’Action contre la Faim.
En 2018, le conseil de sécurité de l’ONU adopte à l’unanimité une résolution capitale qui établit formellement le lien entre les conflits et la faim. La résolution 2417 reconnaît notamment que la paix est directement menacée lorsqu’un conflit provoque l’insécurité alimentaire. Pour la première fois en ces termes, elle condamne l’utilisation de la famine comme une arme de guerre. C’est même un crime de guerre, statuent-ils.
Le texte adopté engage à protéger les infrastructures civiles, notamment celles qui sont essentielles pour assurer le bon fonctionnement des systèmes alimentaires, et à garantir aux humanitaires le libre accès aux populations dans le besoin.
Le monde entier salue cette décision et cette prise de conscience.
Pourtant, en 2023, le dernier rapport d’Action contre la Faim est formel : depuis cette grande résolution, la situation ne s’est pas améliorée.
À l’instant où vous lisez ces lignes, 285 millions de personnes, dans 58 pays, font encore face à une insécurité alimentaire aiguë. Et 85% d’entre elles vivent en zone de conflit.
Et ce n’est pas un hasard, c’est même un cercle vicieux.
C’est d’ailleurs ce que vient prouver ce rapport : dans le monde entier, le cercle vicieux des conflits et de la faim s’aggrave. Les conflits détruisent les récoltes, réduisent l’approvisionnement en nourriture, forcent les gens à fuir leurs maisons et à recourir à des méthodes de survie dangereuses. Alors, que faire ?
D’abord, réunir des données tangibles et c’est ce à quoi s’est attelé Action contre la Faim :
- Depuis 2017, notre planète est au plus haut niveau d’insécurité alimentaire. L’ONU a même proclamé en décembre dernier que nous traversions “la plus grande crise alimentaire mondiale de l’histoire récente”.
- Les conflits armés ne font qu’augmenter à l’échelle mondiale.
- Sur les 19 pays en proie à des conflits armés de niveau élevé ou extrême, 11 sont considérés comme des “points chauds de la faim”.
- 376 000 personnes sont même en situation de famine dans 7 pays qui sont officiellement en proie à des conflits armés ou à une grande insécurité (Afghanistan, Burkina Faso, Haïti, Mali, Nigeria, Somalie et Soudan du Sud).
Force est de constater que le nombre de conflits augmente proportionnellement à l’insécurité alimentaire à travers le monde. Les principales causes d’insécurité alimentaire dans le monde sont directement ou indirectement liées à des conflits.
Ensuite, il faut comprendre comment les conflits et la faim s’auto-alimentent. Et pour ça, il faut recueillir et rassembler des données collectées sur place, par des observateurs et des sources concernées. Voici ce que le rapport d’Action contre la Faim nous apprend encore : la faim est instrumentalisée dans les zones de guerre et de conflit à des fins politiques.
Concrètement, ce sont des cultures et des pâturages qui sont détruits, des récoltes qui sont saisies, des denrées alimentaires qui sont prélevées, des réserves d’eau potable qui sont souillées, du bétail qui est volé. Ce sont des systèmes d’irrigation et des chaînes d’approvisionnement alimentaire qui sont détruits. Ce sont des populations civiles qui sont isolées, soumises, taxées, au-delà des périodes de conflit actif.
C’est aussi un travail humanitaire qui est empêché, malgré le droit international. Sur place, cela expose les infrastructures et les populations civiles. Sans services sociaux, sans intermédiaires et sans témoins, les conflits pénètrent dans les foyers et imposent leurs propres règles illégales, taxant et déplaçant les peuples autochtones et agricoles, condamnant leurs cultures à l’abandon ou piégeant leurs terres avec des mines antipersonnel.
Exposées aux conflits armés, les populations sont aussi plus vulnérables aux autres motifs de crises et d’insécurité. Au Yémen, en Haïti ou au Soudan du Sud, les denrées alimentaires coûtent par exemple plus cher que jamais, tandis que les pays traversent des crises de dévaluation monétaire. Cette conjonction de facteurs est le terreau des crises alimentaires, et c’est aussi ce que prouve Action contre la Faim.
Et enfin, il faut agir ou pousser les États à le faire.
Selon l’ONG, les États doivent concrétiser leurs engagements pour lutter contre la faim provoquée par les conflits. Comment ? En empêchant les attaques contre les infrastructures, notamment celles permettant la sécurité alimentaire, en permettant l’accès à l’aide humanitaire à toutes les personnes qui en ont besoin et en accroissant les investissements dans la réponse humanitaire et dans le renforcement de la résilience à long terme des populations les plus touchées.
Pour mieux comprendre et inciter les États à agir : lisez, partagez, commentez ce texte d’Action contre la Faim justement nommé “Peu importe qui se bat, la faim gagne toujours” et retrouvez notre interview de Michael Siegel, Directeur Délégué Plaidoyer d’Action contre la Faim dans notre matinale.