À l’heure où les vinyles ont une place de choix dans vos foyers, ou la cassette est devenue le support cool de l’underground, et que le CD fête bientôt ses 40 ans, peut-on s’attendre à une fuite des oreilles chez les plateformes de streaming ?
Quitter Spotify, Deezer et compagnie au profit des anciens modes d’écoutes est un parcours qui semble séduire de plus en plus de gens. C’est en tout cas ce que raconte le journal britannique The Guardian qui a rencontré de nombreux usagers des plateformes de streaming qui finissent par les délaisser. Mais pourquoi cet exode du numérique ? Plusieurs raisons sont invoquées.
Les usagers ont par exemple l’impression que leur expérience d’écoute de la musique est de plus en plus pervertie par les algorithmes et le rythme de sortie effréné des artistes. C’est ce que confie le musicien de Bristol Finlay Shakespeare qui explique que “si ça ne colle pas tout de suite avec un album ou un artiste, il a tendance à ne pas lui donner de seconde chance”. Or ses albums favoris sont précisément des disques qu’il a appris à aimer avec le temps. Il en conclut donc que le streaming contribue à une forme de rejet des nouvelles propositions musicales.
Un autre instrumentiste, Jared Samuel Elioseff, semble aller dans son sens. Lui qui a arrêté Spotify depuis maintenant 2 ans a remarqué que sa manière d’écouter a changé. Alors, il est vrai que c’est bien sûr moins pratique, moins accessible et il est plus difficile d’écouter les nouveautés. Mais quand il se pose pour se brancher sur un disque, il est concentré et vraiment investi dans ce qui rentre dans ses oreilles.
Un autre point intéressant est qu’avec le streaming, les singles ou plutôt les morceaux uniques sont avantagés et se concurrencent entre eux. Par exemple, si vous écoutez 1000 fois la piste 7 d’un album, vous n’écouterez à aucun moment le reste du projet. À la différence des formats physiques qui eux assurent en partie que l’on écoute plusieurs morceaux de chaque album.
On remarque d’ailleurs que depuis quelques années, le format album en lui-même n’est pas aussi important qu’avant. Les stratégies de sortie sont plus basées sur des effets d’annonces minutieusement espacés avec des singles.
Alors en 2022, est-ce que l’on se dirige vers un retour du format CD, vinyle, cassette ? La réponse semble plutôt négative quand on voit les chiffres du streaming en hausse chaque année. En 2021, d’après une étude de l’IFPI (Fédération internationale de l’industrie phonographique), le marché mondial de l’industrie musicale lié au streaming a augmenté de 18,5% par rapport à l’année précédente. Le rouleau compresseur sonore ne semble donc pas près de s’arrêter.
Un texte issu de C’est Bola vie, la chronique hebdomadaire (lundi au vendredi, 8h45) de David Bola dans Un Nova jour se lève.