Peut-on imaginer meilleur contexte pour profiter d’un récit qui traite d’une bande d’amis qui découvre la rave ?
1995, Jacques Chirac est alors président, la France connait une vague d’attentats, ainsi qu’un de ces mouvements sociaux les plus importants depuis mai 68. Les générations les plus jeunes se sensibilisent aux causes climatiques, portent des T-Shirts “Hirochirac”, alors que le pays reprend les essais nucléaires. En bande son, un genre de musique électronique venu de Detroit, méconnu, incompris et méprisé par certains mais adopté comme un art de vie par d’autre, la techno (ainsi que les genres qui s’y associent), et le mouvement qui l’accompagne, la rave.
1995, année de Rave
C’est un climat dont Pierrot Corpel se souvient bien, lui qui avait 20 ans à l’époque, fréquentait Teknivals, raves et autres rassemblements électroniques plus ou moins légaux, principalement dans le sud de la France. Depuis lors, l’ex-raver a quitté les sentiers de la teuf, aux profits des planches. Aujourd’hui basé à Toulouse, il conçoit des spectacles au sein de la troupe de comédiennes et de comédiens Compagnie A. Rave 1995, pièce immersive qui transporte le public dans une capsule temporelle aux couleurs techno et la dernière de ses créations.
Rave 1995 n’est pas une histoire de techno, c’est avant tout le récit d’une bande d’amis, fans de la musique des années 60-70 (Jimi Hendrix et consorts…), qui découvre le monde de la rave au détour d’une soirée, et à travers cela, un nouvel imaginaire qui se dessine aux cours de leurs nuits, et de leur investissement dans la scène Rave.
La pièce se déroule sur une période de plusieurs mois, et alterne des moments de fêtes, composé des étapes incontournables d’une soirée type (choper le flyer de la soirée, appeler l’infoline pour choper le plan de la soirée, la prise de drogue, la danse, la redescente, le retour à la réalité…), qui ne manqueront pas de rappeler à certains leurs premiers rendez-vous avec les caissons de basses.
Le son qui fout la (ré)pression
Bien sûr, la fête n’est pas traitée uniquement comme un défilé de séquences extatiques, ou le mouvement rave n’est décrit que comme un espace de liberté, qui échapperait miraculeusement aux problématiques de son époque.
Comme nous le rappelle Pierrot Corpel, joint par téléphone, ces rassemblements étaient parfois troublés par des rencontres musclées avec des représentants de l’autorité, briefés approximativement via une circulaire produite sous Charles Pasqua, (Les Soirées Raves Des situations à Hauts risque, circulaire ministérielle dont on vous recommande la lecture).
Ce genre de pratique, qui visait à informer les flics de terrains dans un objectif de répression, résonne tout particulièrement aujourd’hui, alors que les événements de Redon, Lieuron et autres, où fêtards et escouades de police se sont heurtés (on rappelle qu’un homme de 22 ans a vu sa main droite arrachée par une grenade à Redon en juin 2021).
Dans le club
Après plus d’une trentaine de représentations, notamment à Paris, au Festival OFF d’Avignon et à la Réunion, la pièce Rave 1995 pose maintenant ses caissons dans l’enceinte du Nine Club de Toulouse, pour plusieurs soirées qui poussent l’immersion à son maximum.
Augmentée par le système son du club, qui accueille habituellement des événements house et techno, et par la possibilité de rejoindre les comédiens sur la piste de danse lors des séquences de fêtes, le propos de la pièce prend tout son sens ici. La rave, une expérience de partage et de transmissions d’ondes, se vit pleinement quand les barrières entre public et artistes s’estompent.
Rave 1995, c’est à voir les 29 octobre et 10 novembre prochain au Nine Club de Toulouse.