Ray Lema était dans les studios de Néo Géo pour présenter son dernier album live, hommage à Franco Luambo.
De retour avec un album live, intitulé Hommage à Franco Luambo – On entre KO, on sort Ok sur le label One Drop, le grand Ray Lema, pianiste, compositeur, chanteur, ami de Nova, est dans le studio de Néo Géo pour nous parler de son admiration pour Franco Luambo, papa de la rumba congolaise, source d’inspiration inépuisable pour les jeunes générations. En 2019, Ray Lema lui rend hommage lors d’un concert live au festival Jazzkif de Kinshasa. Les différents morceaux du répertoire choisi par Ray Lema couvrent une période allant des années 1960 aux années 1985, peu avant la mort de Franco Luambo, en 1989. De nombreux artistes participent à l’album, les chanteurs Fredy Massamba et Ballou Canta, le jeune guitariste Rodriguez Vangama, venu de Bruxelles, pour n’en citer que quelques uns. Le succès auprès du public est tel qu’il est transformé en disque, au grand bonheur de Ray Lema, qui, comme il le confie au micro de Bintou Simporé “flippait à mort”.
Bintou Simporé : Pourquoi avez-vous sous-titré l’album On entre KO, on sort OK? C’est un trait d’humour?
Ray Lema : A l’entrée du bar de Franco, qui s’appelait 1, 2, 3, il était écrit On entre OK, on sort KO. Un clin d’oeil au fait de boire trop de bière et de danser. Chez nous, les fêtards étaient excessifs, les soirées duraient de 20h à 2h du matin, et on en sortait sur les genoux. Cette devise était normale en RDC. Mais à Paris, après avoir réécouté l’album, je me suis rendu compte qu’il me rendait joyeux. J’ai donc écrit on sort OK, c’était aussi une référence à la réputation du Parisien, plutôt morose et constamment en train de râler. Tu entres en râlant, KO, et tu en sors OK.
Dans les années 1960, vous, jeune Kinois, assistez aux concerts en grimpant aux arbres. Mais les auditeurs de Nova doivent aussi savoir pourquoi on vous appelait la chauve-souris.
Ray Lema : A l’époque, les bars de Kinshasa n’étaient que des espaces verts, entourés d’une clôture, mais sans toiture. La capitale était particulièrement verte, avec de nombreux arbres un peu partout. Nous n’avions pas l’âge d’assister aux concerts, et en plus Franco était considéré par certaines familles comme un gros voyou qu’il ne fallait surtout pas aller voir. Alors pour y être quand même, nous grimpions aux arbres pour apercevoir la scène, par-dessus la clôture. J’étais la chauve-souris de Franco, en quelque sorte.
Joseph Kabasele, patron de l’African Jazz, a activement participé aux mouvements d’indépendance, on se souvient notamment de son titre : Indépendance Cha Cha. A côté, Franco, c’est le jeune trublion qui voulait se faire remarquer?
Kabasele représentait le musicien instruit. Tous les intellectuels congolais se reconnaissaient en lui. Franco n’a pas vraiment fait d’études, et d’un coup, il a déboulé dans le paysage : d’abord à vélo, la chemise complètement ouverte. Quand les choses ont commencé à marcher pour lui, il est passé à la vespa, et traversait la ville comme ça. C’était un frimeur terrible, mais aussi l’inventeur du sebene : c’est une figure qui tourne en boucle. Les intellectuels d’alors déploraient l’impact de ce style qu’ils n’appréciaient pas. Le Docteur Nico, le guitariste de Kabasele, lui était sans cesse opposé : il jouait des solos de guitare bien ciselés, très mélodiques. Alors que Franco apparaissait comme le voyou inculte, avec ses tourneries de guitare. Mais c’est finalement le style de Franco qui a marqué les esprits, puisque la musique congolaise d’aujourd’hui se reconnaît dans le sebene, cette guitare revient tout le temps, et provoque un effet de transe (…) Moi-même, je ne parviens plus à faire des morceaux sans sebene.
Racontez nous alors ce concert au festival Jazzkiff :
Ray Lema : Il y avait beaucoup de Congolais dans le public, et je dois vous avouer que je flippais. J’avais la pression de ne pas rater mes reprises de Franco, d’autant plus que l’on m’accuse souvent de faire de la musique pour les Blancs, alors je risquais de sortir de là caillassé. Je flippais à mort. Mais l’ambiance et l’accueil des gens a été tellement, tellement…. c’est pour ça qu’on a voulu faire l’album. On n’était pas partis pour faire un disque, mais on s’est dit qu’il fallait le sortir, parce que les gens étaient trop contents.
Ray Lema sera présent le 20 septembre au Paris Jazz Festival au Parc Floral, informations ici.
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Visuels © Thomas Freteur © Pochette de l’album Hommage à Franco Luambo