Après 35 ans de séparation, une éternité.
Ils n’ont existé que quatre ans, de 1977 à 1981, et ont pourtant laissé une trace indélébile. Après 35 ans de séparation due à un désaccord musical entre son chanteur Philippe Pascal et son guitariste Franck Darcel, Marquis de Sade revient sur scène. Avec Etienne Daho, Niagara, Les Nus ou encore Tohu Bohu, ils ont participé à faire de Rennes LA capitale du rock français, en jouant notamment à la première édition des Transmusicales en 1979. Ils sont des symboles de cette fameuse scène rennaise, connue pour son ambiance survoltée et son style reconnaissable, oscillant entre new wave, funk et post-punk sombre. Rennes n’avait alors rien à envier à Londres ou à Paris. Ce samedi, il se passe donc quelque chose d’important dans la capitale bretonne.
« Un Mythe »
Le mot revient souvent, prononcé par des quinquas un brin mélancoliques. Toute une génération converge pour écouter la bande-son d’une époque, où l’on fumait encore dans les bars, où la bière n’était jamais chère et où Marquis de Sade se produisaient dans les caves de la rue de la soif. Bon, en 2017, changement d’ambiance : les six musiciens du groupe jouent, à guichets fermés, au Liberté, salle qui a plutôt l’habitude d’accueillir Michel Sardou.
Mais il fallait autant d’espace pour rassembler 3 000 fans. Le concert réunit des fidèles de la première heure – soyons clair, les moins de quarante ans se font rares- et des proches du groupe : Etienne Daho, Dominique A ou encore Bertrand Belin ont fait le déplacement. L’événement, c’est sûr, fera date. Avant le concert, les conversations tournent toutes autour des Marquis de Sade. Le groupe a laissé un héritage important et a inspiré bien au-delà des années 80. Aujourd’hui, la ville compte un millier de groupes, et le festival des Transmusicales est devenu une référence pour tout fondu de musique.
« Ça sent pas la naphtaline »
Dans le hall, pas mal de quinquas donc, joyeux comme des enfants. L’ambiance est presque familiale : « Nous on est venus à quinze, on a fait un before. On était copains à l’époque, donc on est ensemble à nouveau pour les accueillir ». Christelle et Claire, deux rennaises me montrent du doigt leur « bande » près du bar. On sirote sa bière et on devise avec sérieux sur le groupe… Chacun y va de son anecdote. Le milieu rennais est petit, et apparemment tout le monde a un jour croisé l’un des membres du groupe, voire même fréquenté intimement… Florence, les cheveux rouges et légèrement éméchée, me confie : « Je suis sortie avec Franck Darcel quand j’avais 19 ans ». À quelques mètres, Pierre, clope au bec, assure être à l’origine de la reformation du groupe.
Pas question pour autant d’être nostalgique. Près de la scène, je retrouve Anne croisée au coin fumeur plus tôt. « J’ai hâte de voir, à la première mesure, comment nos bavardages vont s’arrêter en deux secondes ». Son ami ajoute : « J’avais peur du côté ancien combattant, nostalgique, mais ça va on est passé à autre chose. » Et Anne de conclure : « ça sent pas la naphtaline ! » Aux premières notes du Marquis de Sade, Anne a raison, le temps se fige et les conversations s’interrompent. Après une longue intro aux allures de messe, Philippe Pascal s’empare du micro… À 61 ans, l’homme en impose. Happé, le public a les yeux rivés sur cet être hypnotisant. Après 35 ans d’absence, l’attente, immense, est enfin assouvie.
À réécouter ci-dessous, une balade sonore dans cette soirée entre frénésie et nostalgie au Liberté de Rennes.
Visuel © Liberté de Rennes