Un système de dénonciation des « incivilités » par vidéo.
C’est une application destinée aux particuliers, pour les encourager à dénoncer les « actes d’incivilité ». Reporty a été mise en place par la ville de Nice, qui possède déjà le plus grand réseau de caméras de surveillance en France, soit près de 2 000. En accord avec la politique sécuritaire un brin flippante de son maire Christian Estrosi, l’application permet à des particuliers de prévenir la police par vidéo, en transmettant directement les images de l’infraction en question. Le bon samaritain est ensuite géolocalisé grâce à l’application, afin que les caméras de surveillance les plus proches prennent le relais. Vous avez dit Big Brother ?
« Un FaceTime avec la police »: voici comment fonctionne #Reporty, la nouvelle appli securité qui débarque en test à #Nice06. pic.twitter.com/HTDC0Odca6
— Benoit Guglielmi (@BenoitGuglielmi) January 11, 2018
Une appli que l’opposition socialiste dénonce comme « une démarche contestable sur le fond et inadmissible sur la forme (…) qui ressemble à l’organisation d’un processus de délation généralisée ». Le maire de Nice, de son côté, assure que : « Face aux défis que nous avons à relever, chacun d’entre nous doit devenir un citoyen engagé, acteur de sa propre sécurité et donc de la sécurité collective. Et lorsque les nouvelles technologies peuvent y contribuer, en rendant aujourd’hui possible ce qui, hier, relevait de la science-fiction, pourquoi s’en priver ! »
Développée par la start-up de l’ancien premier ministre israélien Ehud Barak, Reporty est en phase de test depuis le 15 janvier 2018, entre les mains de 2 000 habitants de la ville de Nice. Seulement voilà, comme le détaillait Numerama le 16 janvier dernier, l’appli serait truffée de « mouchards », qui collectent des données sur ses utilisateurs. Épinglée par Exodus Privacy (qui y a trouvé bon nombre de trackers) et La Quadrature du Net, Reporty frôlerait l’illégalité. Dans une interview pour Franceinfo, Benjamin Sontaag, co-fondateur de La Quadrature du Net, s’interroge sur le sujet. Selon lui, il faut s’assurer que l’application respecte « les directives européennes concernant la vie privée ». Par ailleurs, il s’inquiète du fait que Reporty ne soit pas un logiciel libre, mais développé par une société privée, ce qui rend son fonctionnement extrêmement opaque pour les citoyens qui ne peuvent pas accéder à son code source. La Mairie de Nice se défend d’utiliser des « mouchards », mais de simples « modules d’analyse de fonctionnement ».
Un collectif anti-Reporty
Lundi 22 janvier, un « collectif anti-Reporty » s’est créé à Nice. Il dénonce une « délation généralisée » et une « atteinte à la vie privée ». Selon 20 minutes, il est composé d’associations, de syndicats et de partis politiques, notamment EELV et le PCF de Nice. Ceux-ci appellent à une mobilisation citoyenne, témoignant leur refus de « vivre dans une société où tout le monde surveille tout le monde ».
Comme La Quadrature, ils questionnent la légalité du dispositif, et sa conformité aux recommandations de la CNIL (la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés), autorité en la matière. En effet, lors de la pose de ses caméras de surveillance, la ville de Nice s’était engagée auprès de l’institution à ne pas filmer l’intérieur des lieux privés, ce qui devient possible avec Reporty. La CNIL assure que la Mairie de Nice a déposé une « demande de conseil », qu’elle est « actuellement en train d’instruire ».
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