La revue de presse de Marie Misset du 14 décembre. Depuis Rungis.
Tous les matins dans Plus Près De Toi, Marie Misset fait sa revue de presse. Et tous les matins également, on la retrouve désormais aussi en ligne sur Novaplanet, cette revue de presse, écrite en ligne comme elle est dite à l’antenne.
Une fois n’est pas costume donc, nous sommes hors les murs … et du coup j’ai décidé de sortir de mes feuilles de choux habituelles. Je me suis lancée dans la lecture de magazine « Autour de la bouffe », des produits, des chefs, du terroir, du roi l’oignon rouge, et du pied de cochon … Et quelque chose m’a frappé … c’est quoi le délire entre bonne chair et virilité … entre travail de la terre et poil dans le dos ?
Pas subtile du tout, Il y a d’abord le magazine BEEF, qui, tel le Coca Zéro, s’adresse aux hommes, aux vrais, ceux qui mangent de la bidoche et qui ont du jus qui leur coule sur le menton. Le magazine est sous titré “Pour les hommes qui ont du goût”. Femme, passe ton chemin, ici on mange de la grosse viande, on la découpe avec les dents ou de gros couteaux pointus et même la pêche à la langouste devient épique dans un article intitulé :
« Le DUEL : Un homme face aux langoustes »
Un combat pas inintéressant que j’ai lu, mais où l’amour de la langouste australe est plus fort, me semble t’il, que la haine.
Le rapport entre cuisine et virilité est plus subtile dans la revue 180° qui réussit presque à chaque fois la prouesse de me faire lire même ses recettes en entier. Parce qu’elles sont super drôles. Dans 180°, on est un poil plus second-degré quand on apprend à faire des oeuf poché.
“Quand l’épouse délaissée défie la recettes des oeufs pochés, elle s’étiole, délaisse son mari et n’alimente plus sa progéniture. Sa beauté se fane, et son oeil, absent, contemple le vide, avant que, résignée, elle se coiffe de sa couronne d’épine. En quelques lignes, nous essayerons d’atténuer, en partie du moins, cette détresse”.
Dans le magazine Food Omnivore, on va jusqu’à regretter l’adjudant chef parachutiste, le Gordon Ramsay qui hurle en cuisine, frappe parfois, on finit par avoir la nostalgie de cette « virilité brute qui accompagne traditionnellement l’exercice de la cuisine. » Dans cet article j’ai quand même lu que Paul Bocuse avait une sexualité polyphonique … » Pourquoi pas.
Food Omnivore le dit : « Aujourd’hui, le chef est beau gosse, il est tatoué. Il n’est plus cet homme qui crie et qui transforme sa cuisine en boot camp culinaire. C’est au fond un conformiste qui aime sa maman et ses produits (et sa cuisine a l’outrecuidance d’être parfaite) ».
Dans le magazine Mint, curieux gratuit très agréable à lire, j’ai l’impression que j’ai trouvé un mix des deux : un jeune chef tatoué, avec un bun sur la tête, mais qui je cite « file comme un diable dans les bois de la source » et surtout est un peu colère. Florent Ladeyn est « l’homme sauvage » selon Mint – on reste dans un certain champs lexical, celui de l’homme non apprivoisé, et il en a marre du boeuf de kobé :
« Tout le monde se paluche sur le boeuf de kobé mais merde, c’est un boeuf qui n’est pas heureux. C’est un boeuf qui n’a jamais mis les pieds dans la terre, qui ne marche pas. C’est pour ça que c’est à la fois tendre et gras. Alors bien sûr ils sont massés à la bière et ils écoutent de la musique classique mais je suis désolé une vache , c’est pas fait pour écouter de la musique classique. »
L’homme sauvage a d’autres combats que cette lutte contre le boeuf de Kobé. Son truc, c’est son terroir, ses voisins éleveurs, agriculteurs qui s’entraînent dans un cercle vertueux, sa volonté de rappeler à ses clients dans une société où on a tout tout de suite, que chez lui, on s’adapte à la nature et à son rythme. ET PUIS. Les espèces oubliées, la biodiversité en péril, les poireaux standardisés.
Un combat qu’on retrouve chez tous les chefs de ces revues et magazine. Chez Beef on s’inquiète : à force d’optimiser … 300 races porcines sont menacées d’extinction, et chez 180° on vous prend par les sentiments. Voilà leur description du navet :
« Ainsi va le navet, hésitant entre ostracisme et oubli, abandon et indifférence. Livré à lui-même, le navet se résume donc à une créature dépressive et affligée. Et proselyte, il plonge les gourmands qui le machouillent dans le même spleen, fait de projets non-aboutis et de résolutions non tenus. »
Et puis quelques pages plus loin le navet est réhabilité, d’abord en recette dans un gratin plus qu’étrange et pas gratiné d’ailleurs, et puis dans un long article sur le navet du pardailhan, l’or noir du haut languedoc. Pardailhan, minuscule village perché, entre les monts du Somail et de l’Espinouse où pousse ce navet protégé par Olivier et Cécile Verdoire, l’un des trois premiers produits sentinels français à avoir été repertoriés par l’association slow food france afin de les sauver de l’oubli.
En vrai, je vous recommande vraiment la lecture de 180° qui se lit comme un livre et celle de Mint où j’ai découvert une femme que je veux rencontrer : Ernestine Grasser Hermé, « 37 ans à l’envers », Madame le Président de l’amicale du gras, dont la soeur fait de la coppa maison dans des bas de nylon et qui a la plus belle des philosophies : « Le gras, c’est le goût. Sans gras, il n’y a plus rien. Le gras, ça s’apprivoise avec le temps. »
Commes le goût des navets et les hommes très virils.
Visuels : (c) DR