Sixties : les années de plomb.
Alors que le monde entier explose en images et sons colorés, durant toutes les années 60, la France reste bloquée dans un arriérisme et une frilosité incompréhensible.
Les Éditions Camion Blanc viennent d’éditer Ronnie Bird. Le Rock en VF, désespérante biographie d’un chanteur français qui avait du goût, et choisi le Rock British comme bannière.
Français british
Pour un jeune français de 1963, comment hésiter entre les Beatles, Who, Yardbirds, Animals, Kinks…aux éclats d’une musique si belle, nerveuse, élégante, mélodieuse et à la fois pleine de révolte et de fantaisie et…Sheila ou Cloclo ?
Du côté des amateurs de musique et de clubs – avec cerveau en état -, ils avaient choisi le Jazz, la grande musique moderne des intellos.
D’autres, plus remuants, avaient découvert le Mambo, le Cha Cha, la Samba, entre disques importés véritables de Cuba ou Rio, et les covers des Machucambos ou Chakachas, groupes reconstitués pour la France.
Mais pour le Rock deuxième époque, après les Rockabillies dit blousons noirs (Elvis, Chuck Berry, Little Richard, Jerry Lee Lewis, Bo Diddley etc..), et les « faux » français : Johnny, Eddie, Dick etc. Devant une scène anglaise stupéfiante d’inventivité, passant du Skiffle au Blues et à un British Rock inimitable, créé de toutes pièces, la France interloquée, a bloqué !
En France : la variétoche honteuse
En effet les « branchés » de l’époque 63-65 ont assisté , stupéfaits, à l’érection d’un mur entre les musiques naissantes ou renaissantes du Rock anglais, mais aussi d’une Soul américaine, offrant un Rythm and Blues irrésistible : James Brown, Otis reding, Aretha Franklin, Sam and Dave… Et d’une variétoche française honteuse, faites de copies traduites en termes benêts, avec des yéyés et autres idoles de bazar.
Pourquoi une telle résistance à la modernité ? Pourquoi des copies minables de tubes, alors que tous les disc jockeys et amateurs français écoutaient les originaux, qui passaient d’ailleurs en radio (SLC, Pop Club, Bouton Rouge…) ?
À part à la Locomotive à Paris, il fallait aller en Belgique, Amsterdam, Hambourg pour voir les groupes anglais. Ecoutez les Yardbirds, Beatles, Who, Pretty Things, Small Faces, Animals, Stones…Et vous aurez une idée de la « british Invasion « qui a envahi le monde entier, mais a été « détournée » en France.
Au milieu de cette débâcle, Ronnie Bird, le Mod français, s’est débattu pendant dix ans avant de jeter l’éponge. Et Même s’il a pu enregistrer des « covers » de ses idoles anglaises (des traductions) il n’a pu se payer les meilleurs morceaux.
Tournées chocolat
Il a même dû faire des tournées sponsorisées par le chocolat Meunier (comme les « chaussettes noires » d’Eddy Mitchell étaient parrainées par les chaussettes de la marque Stemm !) et également apparaître dans les comédies musicales néo hippies « Hair « et « jésus Christ Superstar « Le livre draconte tout cela et plus.
La biographie de Delinotte et Rabasse est extraordinairement précise et cite même le livre de Christian Eudeline « Anti yéyé »qui s’était aussi préoccupé de ce cas unique du Pop Rock français des sixties.
Fuck le système !
Didier Delinotte ; Manuel Rabasse, Ronnie Bird, le rock en VF, 28 euros, 186 pages
Visuel : (c) capture d’écran Youtube ; Éditions Camion Blanc