Sir Coxsone Dodd & Studio One.
Que dire d’une énième compilation Reggae ?...Celle ci a le mérite d’être très ROOTS, de ne jamais lâcher la pulsion initiale, le beat post SKA, ralenti et profond, étalon du génie jamaïcain.
Normal : il s’agit de morceaux issus du STUDIO ONE, de sir COXSONE DODD, l’un des premiers producteurs jamaïcain (après les chinois du SKA, genre Byron Lee, Leslie kong …) qui a su fédérer les meilleurs musiciens puis faire émerger ce style REGGAE, conquérant planétaire.
Parmi les fusées du studio : les Wailers et Marley, mais bien d’autres pointures au feeling raffiné comme Sugar Minott, présent sur ce disque.
Bien sur la « méthode Coxsone » était dure : musiciens corvéables et DUB PLATES avec chœurs ou lignes de basse et percussions préenregistrées, pour servir de fond à d’autres morceaux, le tout payé à la séance, sans aucun droit d’auteur !
Mais cette petite industrie de vinyles à deux faces et deux morceaux servait presque exclusivement les DANCEHALLS de l’île, quotidiens et à consommation ultra rapide. En Jamaique on sortait les vinyles comme le pain de la boulangerie : frais du jour !
Ce n’est qu’après le succès planétaire, que l’on s’est mis à collectionnerCes « dub plates » techniques, comme des COLLECTORS, lorsque ça n’était pas pour d’autres utilisations PIRATES…(c’est mon avis)
Il s’agissait donc d’une musique faisant partie intégrante d’une réalité sociale au quotidien, celle des SOUND SYSTEM : au coin de la rue, un DJ , une platine et des enceintes… Système « D » absolu, pour imiter la radio avec présentateur, mais aussi le night club avec disc jockey.
Les jamaïcains vont être copiés dans le monde entier, avec cette technique ultra rapide de création, diffusion, un peu comme un journal quotidien, mais là, il s’agit d’ambiance, de danse, de MODE, car le sound est un lieu ou on se montre, se compare, s’affronte…(même si c’est un terrain vague, un corner ou une plage).
Cette production stakhanoviste de la musique a transformé les jamaïcains en virtuoses instrumentaux, en chanteurs nés, et en prime en SONGWRITERS ultra efficaces, car le plus souvent ces chants scandés pour le rythme ont un MESSAGE.
Et lorsque le sens du chant est trop choquant ou provocateur, alors le PATOIS jamaïcain, les jeux de mots et l’ARGOT viennent au secours des termes trop crus : je me souviens d’un concert de Beenie Man , près D’OCHO RIOS ou quand il voulait dire C.I.A (l’agence américaine de renseignements) il jouait avec : SEE I HERE ! (je suis là, en jamaïcain)
Dans le même genre, le génial producteur BUNNY LEE m’avait révélé que REGGAE vient de STREET GIRL ( fille des rues) , en jamaïcain STRAY GAL ( prononcer streggae)…Les exemples sont innombrables de jeux de syllabes dans les chansons.
De plus, la création de ces LABELS comme STUDIO ONE, après l’indépendance, s’est faite pendant les guerres de partis ( « labour » et « people » avec Manley et Seaga, les deux leaders opposés) qui ont dégénéré en guerre de gangs, et de GUNMEN.
Et voilà encore une couche d’énergie POLITIQUE (même négative) qui a alimenté les paroles, la danse, le rythme et le SENS de la musique .
Enfin, le STYLE même du dancehall devint comme un GENRE, avec des époques ( SLACKNESS, RAGGAMUFIN…), copiés à mesure de leur éclosion : le RAP doit tout au Dancehall, l’ELECTRO doit beaucoup au SOUND SYSTEM et au DUB (et au DISCO ! dixit Emilien de NOVA)
Fin de cette mini leçon d’histoire, et désolé pour la complexité et les mélanges étranges qui sinuent dans nos oreilles. Dans cette compile, un booklet de 18 pages raconte aussi un aspect de ces histoires.
(avec hélas que 1 ou 2 photos d’Adrian Boot, auteur de « Babylon on a thin wire » meilleur livre sur les gangs des années 70 et meilleur photographe de cette période .) YO MAN !
_STUDIO ONE DANCEHALL. ( SOUL JAZZ records)
Sir Coxsone in the dance : The fondation sound .
18 tracks dont : Lone Ranger, DJ dawn and the ranking Queens ; Sugar Minott, Ernest Wilson, Johnny Osbourne, Brentford disco set, etc…