La chronique de Jean Rouzaud.
Il est parfois bon de rappeler ce qui s’est passé d’exceptionnel dans nos pays et chez nos voisins directs, sous peine de perdre le fil d’une histoire qui se continue.
Un gros album intitulé British Invasion sort chez le distributeur de films-Rock Carlotta sur les « swinging sixties », c’est-à-dire l’explosion Blues, Pop qui a eu lieu en Angleterre, en gros entre 1960 et 1969.
Bien sûr les racines de ce mouvement culturel démarrent avant et finissent après : du Rockabilly 50, jusqu’au Post-punk, vers 79.
Humour, dérision, fantaisie… attitudes nouvelles
Cinq films marquants de la période sont joints à cet album, dans une pochette cartonnée : Hard day’s night, comédie burlesque avec les Beatles de Richard Lester en 1964, Alfie, quotidien d’un anglais cynique et moderne de Richard Lewis avec Michael Caine en 1966, Blow-Up d’Antonioni, faux portrait du photographe de mode David Bailey, The Party de Blake Edwards en 1968, comédie satirique sur Hollywood avec Peter Sellers, et enfin Good Morning England de Richard Curtis en 2009, sur la radio pirate « Caroline », planquée sur un bateau, au large de la perfide Albion…
En commun : de l’humour, de la dérision, beaucoup de musique et de mode, et des attitudes nouvelles, culottées, gaies et vivantes, dans un climat de fantaisie et de crise de société.
Tout le reste de cet album couleur de 140 pages distille les chapitres incontournables de cette révolution qui va éclore en Angleterre, offrant au monde nouveauté et créativité réelle, dans presque tous les domaines, en tout cas culturels.
La musique bien sûr, avec cette Pop anglaise fracassante avec ses groupes vedettes (Animals, Yardbirds, Kinks, Beatles, Who, Moody Blues, Pretty Things, Rolling Stones) et très oubliés (Small Faces, Troggs, Procol Harum, Spencer Davis Group… pour ne parler que de l’ouverture du bal).
Le Style… Apanage des anglais de créer et de tenir leurs tribus, bandes, genres : Teddy Boys et Edwardians, Mods et Rockabillies, Skinheads. Puis Glam Rock, Ska et Rude boys, Pub Rock… jusqu’aux Punks, New Wave et autres dérivés (sans oublier Hard Rock, Psyché, Progressive).
Chaque groupe avec ses fringues, ses codes, sa musique, ses scooters, ses références jusqu’aux moindres détails : des bottines Anello et David jusqu’aux Doc Martens, en passant par les Platform Boots et 1 000 autres accessoires (polos Fred Perry et chemises Ben Sherman, par exemple).
L’Art, car ce sont bien les Anglais qui ont inventé le Pop Art, à travers collages, photos, peintures, décoration, et des meubles, des idées, des magasins et des vitrines, des galeries et des artistes pour tout redessiner, des voitures aux costards, des coiffures au maquillages.
Le style anglais est, par définition, fait pour durer
Le cinéma (voir plus haut), la radio télévision qui, depuis le Goon Show (feuilleton radio de 1951 à 1960, créé par Spike Milligan avec Peter Sellers. Inspiration directe de l’humour Beatles et surtout des Monty Python, produits par George Harrison), puis les feuilletons TV, qui nous ont fait rire ou charmé : Chapeau melon et bottes de cuir, Le Prisonnier, Amicalement vôtre… Toujours drôles, stylés, enlevés, décalés, excentriques, véritables démonstrations du charme anglais !
Et même la littérature de ce moment a réussi à toucher le monde avec James Bond, la science-fiction et l’Heroic Fantasy avec Tolkien, Arthur C. Clarke (2001), ou même CS Lewis (Narnia) , Anthony Burgess (Orange MéCanique), le tout repris en ciné, TV et autres images…
Et ce socle de culture posé sur les solides colonnes que nous venons de décrire DURE encore. Le style anglais est, par définition, fait pour durer : utile, bien vu, dosé et juste un peu flashy, les générations successives s’y réfèrent, en dépit du temps et du goût, ça marche !
Le titre de cet album British invasion est le terme employé par les américains (à l’époque leader absolu des teenagers du monde entier avec Rock’n Roll, Westerns et Pin Up, et qui ne se sont jamais remis d’être littéralement ringardisés par les Anglais, for ever !)
En réalité , l’Angleterre a OFFERT au monde un merveilleux cadeau de façon de faire et de style, qui a fait le bonheur de générations entières, et la fortune de tous les secteurs.
Même les voitures (Mini Cooper, Triumph TR 3, Morgan, Jaguar Type E) ont été les reines du podium, les plus classes après la Bentley et la Rolls, comme inventées et redessinées pour cette époque charnière.
Ce livre « parcours pour mémoire », rend justice à un peuple bizarre, inventif et pro, dilettante et appliqué, imaginatif et travailleur ! Yes !
À l’heure du « Brexit », hésitant et triste, cette mémoire est la nôtre, et elle dure encore, même si les gouvernements sont plutôt passés à côté : chacun de ces mouvements a d’abord été attaqué et rejetés par les « establisments » successifs et les médias.
British Invasion (Pop Save the Queen). Interviews de Valli et Stephen Clarke. Album couleur de 140 pages (24×29 cm). 60 euros (avec insert cartonné de 5 DVD : Hard Day’s Night, Alfie, Blow-Up, The Party, Good Morning England).
Visuel en Une : Les Monthy Python dans Le Sens de la Vie, 1982 © Terry Gilliam Bridgeman images