Ce mardi 8 octobre au matin, plusieurs camions de CRS ont pris en étau le bâtiment, situé aux abords du quartier des Puces de Saint-Ouen. Il est menacé de fermeture.
« Ils sont en train de murer le bâtiment de l’extérieur. C’est un geste merveilleux », ironise Juliette Bompoint, directrice de Mains d’Œuvres. Ce mardi 8 octobre au matin, plusieurs camions de CRS ont pris en étau le bâtiment, situé aux abords du quartier des Puces de Saint-Ouen. « William Delannoy, maire de Saint-Ouen, après de nombreuses années de menaces et de contre-vérités à notre encontre, est passé aux actes : ce matin, Mains d’Œuvres fait l’objet d’une expulsion et doit quitter son bâtiment historique » a écrit l’association sur sa page Facebook.
Mains d’Œuvres résistance
En conflit avec la mairie depuis des années, les bénévoles, salariés et artistes résidents de Mains d’Œuvres, salle de concerts qui est également une résidence de plus de 250 artistes et qui comprend des studios de musiques (4 000 mètres carré au total) se sont retrouvés à la rue, devant un cordon de policiers bloquant tous les accès du bâtiment. Pour eux, c’est un chômage technique. Ivan, résident du lieu :
« Mains d’Œuvres, c’est une institution qui accueille des artistes en résidence dans toutes les disciplines et qui essaye de créer du lien avec un territoire, celui de Saint-Ouen, avec des projets à la fois internationaux, nationaux, locaux. C’est une multitude de gens qui croit en la création et en la culture. Aujourd’hui, et à cause de la décision du maire William Delannoy, il y a une expulsion qui est en cours. On se réunit pour contester cette décision. »
Ce matin, c’est tout le quartier qui s’est retrouvé bouclé. Les membres de l’association ont donc, vers 11h, décidé de réagir en occupant le carrefour face à la rue Charles Garnier, bloqué par les CRS. Sous une pluie incessante, les membres et soutiens de l’association ont manifesté pacifiquement aux cris de « Mains d’Œuvres résistance ». Pendant ce temps, à l’intérieur, un huissier arpentait les 4000m2 du bâtiment pour y dresser un inventaire…
Comptez bien une bonne semaine avant de pouvoir y retourner
Des visages ternes, des musiciens inquiets pour leur matériel, une tente montée à la va-vite, des manifestants blottis sous leurs parapluies… personnes ne savait ce matin combien de temps le lieu allait rester fermer. On ne le sait toujours pas. Un policier, à un manifestant : « comptez bien une bonne semaine avant de pouvoir y retourner ». La présidente, elle, se montrait alors plus confiante : « on devrait pouvoir y retourner jeudi pour récupérer le matériel ».
Présente depuis 2001 dans les anciens locaux du centre social et sportif des usines Valeo, Mains d’Œuvres est une association et un lieu de culture très important pour le nord-ouest parisien. William Delannoy, maire UDI de la ville de Saint-Ouen depuis 2014, a pour sa part déclaré une guerre ouverte à ce lieu alternatif, et s’est même lancé dans une véritable bataille judiciaire.
À la place de Mains d’Œuvres… un conservatoire ?
Payements de loyers face à l’enlèvement de subventions, protocole d’accords, puis désaccords… et puis l’idée du siècle : remplacer Mains d’Œuvres par un conservatoire de musique classique. Un projet encore, aujourd’hui, à l’état embryonnaire. L’avocat de l’association Jean-Louis Péru : « Normalement et dans tous les dossiers, un préfet attend que toutes les voix de droits soient épuisées, parce que c’est une décision lourde de conséquence. Il y a 77 emplois, des spectacles, une vie culturelle importante. Face à quoi ? Un projet de conservatoire qui n’existe pas ! Il n’y a rien en face, à peine une délibération de principe du conseil municipal. »
La veille, lundi 7 octobre, six élus du Conseil municipal de Saint-Ouen ont démissionné, dont la chargée de la Culture et le chargé de la Jeunesse. Drôle de timing ? Le député de la circonscription, Éric Coquerel (La France Insoumise), était présent lors de la manifestation. Il mettait en lumière une échéance prochaine pour le maire de Saint-Ouen : « Là, on est à quelques mois d’une élection municipale où chacun sait que la question de Mains d’Œuvres est l’un des grands enjeux de la campagne. » Avant de poursuivre : « Hier le maire a perdu sa majorité. Je ne comprends pas que l’État prenne une décision irrémédiable de ce type, sur un espace qui, non seulement est important pour la ville mais aussi, pour le département, pour la région ».
Ce qui se passe actuellement à Mains d’Œuvres met en exergue la situation périlleuse dans laquelle se retrouve nombre de salles de concerts et spectacles en France. L’année dernière encore L’Espace B, ainsi que La Mécanique Ondulatoire avaient dû fermer. Au tour de Mains d’Œuvres ? Certains voient cette spirale comme une sorte de maladie. Un jeune homme venu manifester dans la foule expliquait encore ce matin : « je suis là pour soutenir, je vois que beaucoup de lieux de vie artistique disparaissent dans Paris. J’espère que ça ne se propagera pas dans ma région natale ».
Radio Nova et Mains d’Œuvres entretiennent des liens étroits depuis des années. Nous avions notamment organisé une Nuit Zébrée, en décembre, qui fut, d’ailleurs, un joyeux bordel. La rédaction de Radio Nova accorde donc son soutien aux acteurs et travailleurs de ce lieu dans lequel on espère, très bientôt, refaire une teuf d’enfer.
Mise à jour
Jeudi 10 octobre 2019 – Le Ministère de la Culture est l’un des principaux soutiens moral et financier de Mains d’Œuvres. Le jeudi 10 octobre au matin une note ratifié par le ministre Franck Riester a proposé une médiation entre les deux parties, la mairie d’un côté et Mains d’Œuvre de l’autre.
Signez la pétition demandant un nouveau bail pour Mains d’Œuvre.
Visuels © Facebook de Mains d’Œuvres