Chaque jour cet été, Clémentine Spiler vous raconte une pionnière de la musique. Aujourd’hui, Saliha, première rappeuse sur une compile de rap français.
1987, à Paris. On est au Globo, la boîte du 10e arrondissement dans laquelle se tiennent les mythiques soirées Chez Roger Boîte Funk. Dee Nasty est derrières les platines, le magazine Actuel à l’organisation. Le Globo c’est le lieu de rendez-vous de cette année, là où se rencontre ce public parisien et francilien passionné de rap et de culture hip hop, là où on danse et on freestyle toute la nuit, loin des physio des clubs branchés qui refoulent la plupart des fêtards noirs et arabes. Dans l’esprit des événements organisés quelques années plus tôt sur les terrains-vagues de la porte de la Chapelle, actes fondateurs de la culture hip hop française mais vite interdits par la police, le Globo est ouvert à tous. La salle, comme la scène. Scène qui verra les débuts de nombreux rappeurs, NTM, Assassin, notamment.
Dans le public, il y a Saliha Saïdani. Elle vient de Bagneux, elle a seize ans, et elle a trouvé ses marques dans cette culture hip hop qui lui tend les bras. Elle regarde les MC se succéder sur scène avec une seule envie : faire pareil. Saliha veut le micro. Mais le public est intransigeant. Si le MC ne plait pas il est rapidement éjecté de la scène à coup d’insultes, de cannettes ou, au pire des cas, de chaises. Le flow, les textes, le charisme, tout doit être carré. Et surtout, c’est un espace très masculin. Si les femmes sont très présentes dans la culture hip hop en tant que chanteuses ou danseuses, très peu d’entre elles rappent.
Pourtant, comme le raconte la rappeuse Sté Strausz dans son livre Fly Girls : « les vrais bonhommes sont ceux qui introduisent des meufs dans le mouvement et les font respecter ». Les femmes ne sont pas exclues, il leur faut juste encore plus de courage que les autres et quelques soutiens.
C’est le cas de Saliha, soutenue par l’un des premiers groupes de rap français, New Generation MC. C’est d’ailleurs avec l’un de leur membres qu’elle doit monter sur scène un soir de 1987. Seulement, au dernier moment, celui-ci prend peur. Saliha y va seule.
Pour aller plus loin
Karim Hammou – Une histoire du rap en France
Sté Strausz et Antoine Dole – FLY Girls
Vincent Piolet – Regarde ta jeunesse dans les yeux
Un épisode écrit, raconté et réalisé par Clémentine Spiler.
Visuel © Saliha, Unique, Virgin