La chronique de Jean Rouzaud.
Satyajit Ray (1921-1992) est un réalisateur, écrivain et compositeur bengali, faisant partie de l’intelligentsia de Calcutta, parmi d’autres intellectuels et poètes… Comme Rabindranath Tagore, dont il rejoindra plus tard l’université.
Il fait partie de la génération qui aura subi la colonisation anglaise, avec ses humiliations, son apartheid, puis la décolonisation totale suite à la politique de résistance non-violente de Gandhi.
Passionné de cinéma, il fondera un ciné club en 1942, puis une véritable société. Sa rencontre avec Jean Renoir et le cinéma néo-réaliste le décident à mettre en scène.
Pays indien et mélodrames réalistes
Il va créer une suite de films devenus classiques, d’abord sur la fin de l’Inde ancienne, avec ses rajahs et sa mystique au quotidien (Apu, Aparajito, La déesse, Le salon de musique, Les joueurs d’échec…) Ces mélodrames réalistes montrent déjà une grande nostalgie et un déchirement entre la tradition hindoue et le modernisme anglais.
Il lui sera reproché de faire des films trop « anglais », alors que, justement, il analyse objectivement dans chaque histoire, le poids du passé qui s’éloigne et les vicissitudes de la vie moderne, matérialiste et égoïste, mais qui emporte tout…
Les Branches de l’arbre, produit par Daniel Toscan du Plantier et Gérard Depardieu, montre exactement cette cassure : un directeur d’usine respecté et honoré, vivant avec un fils handicapé, fait venir ses trois autres fils avec leurs épouses pour ses 70 ans.
Lent et tendu, rêveur et dérivant
Ce portrait de famille universel, ces quatre fils différents, leurs épouses, le frère resté en arrière, l’artiste désargenté et deux hommes d’affaires, qui ne pourront avoir la réussite et la dignité de leur père…
Ce bilan familial, tout en finesse de jugement, délicatesse de sentiment a toujours été le point fort de Ray : les générations au prise avec le temps qui passe…
Le rythme du film est celui d’un rythme indien, lent et tendu, rêveur et dérivant. Ray a toujours su mêler l’observation de la société indienne évoluée en mutation, la toile de fond des traditions, des pauvres, du peuple… Et, de ce mélange qui ne prend pas, il tire des œuvres intemporelles, qui nous émeuvent et nous font planer… Au son des ragas indiennes.
Les branches de l’arbre de Satyajit Ray. 1990. Couleur. 1h57. Distribué par les Éditions Montparnasse (classique) VOSTF. 13 euros.
Visuel (c) Getty Images / nik wheeler