Un film, la France, le Sénégal, le slam, la musique, la littérature…
Saul Williams était dans la Matinale lundi 7 janvier, à l’occasion de la sortie d’Aujourd’hui, le 3e film d’Alain Gomis. Après l’émission, il a accepté de revenir brièvement sur son implication dans le film et de nous en dire un peu plus sur sa carrière protéiforme.
Car, en plus d’être acteur dans une dizaine de films, dont les topiques Slam et SlamNation, Saul Williams est aussi musicien, chanteur, poète et écrivain. Retour sur un artiste aux talents multiples.
Durant l’émission, tu as évoqué le fait qu’Alain Gomis t’avais contacté après avoir « scotché » sur une photo de toi. Peux-tu nous en dire un peu plus sur le statut du regard dans Aujourd’hui ?
Saul Willams : Oui, à la lecture du scénario, j’ai compris tout de suite que le personnage de Satché ne parle pas beaucoup, mais qu’il sent, qu’il ressent beaucoup de choses. Tous ses sentiments étaient très bien décrits dans le scénario, qui insistait surtout les yeux de Satché et sur ce qu’il y avait à voir dans son regard. Quand on s’est rencontré pour la première fois avec Alain (Gomis), il m’a bien fait comprendre qu’il ne s’agissait pas de faire du mime, mais que ce serait une performance. C’était un challenge pour moi, en tant que comédien, de parler essentiellement avec les yeux.
Ton personnage a-t-il une histoire, un vécu particulier ou se retrouve-t-il simplement là par hasard ?
Satché a une histoire. On connaît ses parents, sa femme, ses enfants, ses amis…etc. On les rencontre dans le film. De plus, il a eu l’opportunité d’aller étudier aux Etats-Unis – le rêve de beaucoup de gens.
Un clin d’œil à la grande communauté sénégalaise de New York ?
SW : Peut-être mais, attention, ce n’est pas parce que la film a été tourné à Dakar que l’histoire s’y déroule réellement ou que Satché est sénégalais. Aujourd’hui est avant tout une fiction, une fable. On n’est pas censé savoir où elle se passe – même si, a priori, ça se passe en Afrique.
Tu avais tout là-bas
C’est donc l’histoire d’un jeune homme qui a eu l’opportunité d’étudier et de travailler à l’étranger, et qui a finalement décidé de rentrer. Tout le monde se demande pourquoi il est rentré : « tu avais tout là-bas », lui balancent ses potes. Mais Satché n’est pas un ambitieux ou un arriviste, il n’a pas le goût de l’argent et du pouvoir. En ce sens, c’est un rejeté, un exclu du système. Il aime les choses simples : la vie en famille, se promener en ville ou dans son village, avoir un boulot simple. Il voulait une vie simple en fait… et il a gagné une mort simple.
De quoi meurt Satché ?
SW : On ne sait pas de quoi il meurt, mais on sait en revanche pourquoi : parce que l’esprit des Anciens l’a choisi. Il meurt simplement dans son sommeil. Dès le début du film, on comprend sa résignation face à son destin : il l’accepte. C’est une sorte de sacrifice au profit de sa famille et de tout le village.
Comment s’est passé le tournage pour toi là-bas ?
J’ai été très bien accueilli par les gens là-bas. C’est drôle parce que je ressemble un peu à un Sénégalais, à un Africain du moins. Je les faisais beaucoup rire. Tout le monde commençait par me parler en wolof. Puis, voyant que je ne comprenais pas, ils me parlaient en français. Et même là, ils voyaient que ça n’était pas ma langue natale. Ils voulaient tous savoir d’où je venais vraiment. Des Etats-Unis bien sûr. Mais en tant qu’Afro-américain, je ne sais pas d’où viennent mes ancêtres. Ce sur quoi ils concluaient : « Tu es d’ici, tu es un Africain ! » (Rire)
Le film a eu pas mal de prix, non ?
Oui, 9 prix pour l’instant. Il était à la Berlinale l’année dernière. J’ai beaucoup voyagé avec le film : Dubaï, Dakar, les Etats-Unis… Un tour du monde plutôt cool.
Des projets pour la suite ?
le travaille sur un livre, un album, un spectacle et un film. Je compose et j’écris beaucoup. Je suis comme ça, je fais toujours plein de choses en même temps.
Sans trop en dire, quel type de livre écris-tu en ce moment ? Essai, roman, biographie ?
C’est un roman. Et ”l’album conceptuel” que je compose viendra illustrer le livre.
Toi qui est également poète et slameur, tu te verrais poser en français ?
Non, j’ai trop de respect pour la langue et la culture françaises pour leur faire ça (Rires). J’aime beaucoup Serge Gainsbourg par exemple. Plus généralement, j’aime beaucoup le respect que la France a pour la culture et les arts – respect qui s’étend à toute l’aire francophone. J’aime beaucoup Aimé Césaire à ce titre. Mais quand je fais des performances, je préfère m’en tenir à ma langue natale avec laquelle je me sens plus à l’aise.