La chronique de Jean Rouzaud.
Les Éditions Allia sortent un tout petit texte d’une certaine Frances A. Yates (1899-1981), qui travailla avec brio sur l’Art et les idées du XXe siècle (Institut Warburg, Londres). Dans cet essai, Science et tradition hermétique l’auteure remet en perspective l’origine des sciences, présupposées à la Renaissance.
Car nous connaissons tous un peu les physiciens Galilée, Copernic, Kepler ou Newton, et quelques-unes de leurs découvertes, mais nous ignorons d’où ils venaient vraiment culturellement, et ce sur quoi ils s’appuyaient au tout départ, bref, leur déclic ?
Les mages, devins et alchimistes, précurseurs de la Renaissance ?
Et c’est là que Frances Yates est à la fois plus précise et curieuse que l’histoire elle-même. Elle nous révèle, exemples à l’appui (et avec une bibliographie rare), qu’en réalité, la tradition ancienne des mages, devins, magiciens, alchimistes…a donné l’impulsion et l’inspiration à beaucoup de chercheurs, entre XVe et XIIe siècle…
Ensuite, malheurs aux vaincus, après 1660, ils furent déconsidérés, traité de sorciers et charlatans, et furent chassés ou même brûlés ! Oui, l’histoire est à réviser, et même si certains savants (Galilée) furent menacés par l’Église, ils avaient eux-mêmes contribué inconsciemment à la chute des mages, omniprésents jusqu’au XVIe siècle !
Paracelse, Marsile Ficin, Pic de la Mirandole, Giordano Bruno, puis des Anglais comme Robert Fludd ou John Dee…Mais je pourrais aussi dire Léonard de Vinci ou Casanova. Eux sont l’envers de la médaille, inconnus en sciences exactes car relégué au rang d’illuminés, un peu maudits.
Car ils sont légion, tous ceux qui ont cherché à comprendre la nature par les astres, l’alchimie, les talismans, les paroles et les nombres magiques : car on est passé de la numérologie aux mathématiques…
Hermès Trismégiste, intuitif et savant
Un personnage mythique, qui aurait vécu au temps de Moïse (XIIIe siècle avant notre ère) dans l’Empire égyptien : l’« Hermès Trismégiste » coiffe cette folle épopée de sa primauté et des textes qu’il a laissé (l’Hermeticvus, l’Asclépius…) Encore ultra-lus et influents à la renaissance (1450) !
Car pour les mages, les anciens, ceux qui croient à l’« Anima Mundi », à l’harmonie universelle, à la musique des sphères célestes, à la grande tradition hermétique antédiluvienne, et à l’ancienne religion du monde, il existe toutes sortes de rites, d’ expériences , de matériaux, de moments magiques, et même de paroles et de sujets « supérieurs »…
Ces grands intuitifs, éclairés et savants, sous la houlette d’Hermès Trismégiste (entre autres) disaient que le soleil était le Dieu visible de l’immense Temple qu’est l’Univers…Mais leur but était de guérir, soigner, comprendre et expérimenter , comme tout chercheur !
Le monde dit « moderne » et sa logique absurde, aime chasser les sorcières, les charlatans et les magiciens, en oubliant les sages et les grands esprits, complexes et « voyants », ces érudits transversaux, qui osaient s’aventurer dans les contrées les plus obscures du monde…
Les aimants furent longtemps considérés comme un phénomène magique ! L’éclair, l’arc-en-ciel, la foudre, le tonnerre, la tornade, pouvaient être pris pour des phénomènes diaboliques…
La plupart des monarques d’Europe avaient leur magicien : Merlin ou Tycho Brahé (l’astronome de Prague au XVIe siècle), cherchez, et des dizaines de personnages surgissent des oubliettes ou la science les a relégués, jusqu’à Alleister Crowley, mage de l’Underground Pop !
Bref, ce petit livre nous raconte comment ce sont les mages, devins, astrologues et autres alchimistes (auxquels on doit la chimie !) qui ont vraiment donné les bases et l’impulsion aux recherches plus strictes, et inspirés nettement tous les savants à venir au XVIe et XVIIe siècles.
Les savants de la Renaissance, eux, citent carrément l’Hermès Trismégiste et les traditions hermétiques comme base de leur travail ! À vous de voir…
Science et tradition hermétique. Par Frances A. Yates. Éditions Allia. 96 pages. 6 euros 50
Visuel : (c) Éditions Allia