Retour sur Très très Fort le documentaire de Renaud Barret et Florent de La Tullaye consacré au Staff Benda Bilili
Le DVD de Benda Bilili ! est dans les bacs. Séance de rattrapage pour ceux qui l’ont loupé au ciné. Si le doc est reparti bredouille des César, c’est maintenant « au creux de la vague », quand le cirque médiatique s’est calmé, qu’il faut rappeler que le Staff n’est pas qu’une belle histoire, pas qu’un effet de mode pour spectateurs en mal d’exotisme. Ils ont frappé Très Très Fort, et pour longtemps.
Cela fait longtemps que chez Nova on est dans le sillon du Staff Benda Bilili. L’histoire, on la connaît tous : celle d’un groupe de musiciens des faubourgs de Kinshasa la déglingue, pour la plupart atteints d’une polio les clouant sur des fauteuils à moteur home-made.
Plus qu’une aventure humaine fabuleuse c’est surtout la bande-son géniale d’une vie en morceaux. La création d’un afro rock aussi saturé que palpable. Des guitares de bric et de broc et même des instruments inventés – le Satongé du jeune Roger a réinventé le riff avec une seule corde et une boite de conserve. Les chorégraphies en béquille ou à roulettes finissent de faire du Staff des perfomers hors norme, des bêtes de scène rois de la débrouille.
Nous les avons croisés en 2009, écoutés dans les studios il y a un an (voir vidéo ci-dessous), puis au Festival de Cannes, puis aux Solidays… Chaque fois, ils nous désarçonnent de cette sempiternelle façon de tout relativiser ajoutée à une façon hardie d’endosser et d’assumer ce succès monstre. Ils racontent la jalousie des amis restés au bled, leur nouveau rang au Congo là-bas avec ce mélange de fierté et de modestie
Renaud Barret et Florent de La Tullaye, les réalisateurs du doc, ont joué un rôle primordial dans l’ascension fulgurante du Staff. Les deux Français croisent cette cour des miracles dans les rues congolaises dès 2004. Ce sont eux qui présentent le jeune Roger et son instrument aux papes du Staff. Encore eux qui font venir un producteur français pour les enregistrer dans le zoo de Kinshasa. Puis les journalistes de grands médias conquis par la belle histoire, la belle photo. Avant même la sortie de leur album, les membres du staff font la couverture de feu Le Monde 2.
On suit dans le documentaire cette aventure de ses balbutiements jusqu’aux plus grandes scènes européennes, de la manche en centre ville de Kinshasa jusqu’au tapis rouge de Cannes. Avec une histoire aussi merveilleuse, les réalisateurs ont le mérite de ne pas sombrer dans le tire larme esthétique. Ils n’en font jamais des caisses, aucune lumière artificielle ou version romancée de la musique kinoise. Pas de joli cadre.
Une caméra gonzo gigotante parfois limite. Quand on touche à un plaisir si vrai, on se doit de suivre avec un minimum de qualité. À certains instants clés du récit, le manque de souci plastique, de qualité photo, ne passe pas. On sent qu’ils ont été dépassés par l’emballement autour du Staff, par l’universalité de leur propos. Comme un montreur d’ours qui ne s’attendrait pas au succès de son gagne-pain. Soudain, les moyens sont insuffisants.
Avec une histoire aussi merveilleuse, les réalisateurs ont le mérite de ne pas sombrer dans le tire larme esthétique
Passée la petite déception, les images nous en apprennent beaucoup. La traduction des paroles à elle seule lève le voile sur la conscience d’une musique qu’on aurait pu croire simplement festive. En 5 ans d’une épopée, les moments forts sont nombreux. Endoudounés en Scandinavie, endimanchés sur la Croisette, il ne sont pas pour autant victimes de ce tourbillon, pas des bêtes de foires. Ce sont avant tout des musiciens hors-pairs. Et on attend leur deuxième opus de pied ferme.
Certes accaparés par les médias cotillons qui en font leurs chouchous, mais ils gardent une étonnante lucidité là où d’autres se brûleraient les ailes.
Heureux qui comme le Staff, a fait un beau voyage. Heureux qui comme le spectateur, l’a vécu en 85 min.