Le cauchemar du conflit Israel/Palestine racontée par une fable absurde. Drôle mais surtout grinçant.
Comment raconter le conflit israelo-palestinien ? Le cinéma du moyen-orient s’est attaqué à la question depuis belle lurette. C’en est même devenu une de ses marottes, jusqu’à être devenu un point d’accord pour les réalisateurs palestiniens et israéliens. Depuis plusieurs années, on croule sous les films qui approchent d’une manière ou d’une autre le sujet.
C’est justement par l’approche que ces films là se singularisent aujourd’hui, évitent de sombrer dans la redite. Self Made a fait le choix de combiner chronique sociale, comédie absurde et étrangeté.
Tout commence par un lit qui s’écroule. Celui de Michal, une plasticienne israélienne hyper renommée. Alors qu’elle doit terminer les nouvelles pièces de sa prochaine exposition, sa chute de sommier la rend amnésique. Elle ne sait plus qui elle est, son cerveau n’est occupé que par une chose : appeler le Ikea local et commander un nouveau lit. Nouveau souci lorsque celui-ci arrive, il manque une vis.
Michal appelle le service consommateur. Par ricochet, Nadine, l’employée arabe chargée d’empaqueter les vis est virée. Les deux femmes ne se connaissent pas mais se ressemblent : elles ont un même caractère assez trempé, et animent une certaine colère à quiconque veut les faire entrer dans des cases.
Self Made suit leur quotidien en parallèle avant de se faire croiser leurs vies à un Check point ou elles vont carrément échanger leurs vies, après un moment de panique : une soldat à confondu le fil du walkman de Nadine avec celui d’une possible bombe.
Absurde ? Oui à l’image de ce conflit qui s’éternise, s’enlise, se perd dans des enjeux politiques qui dépassent les populations. Self Made ne cherche même pas à le comprendre tant elle l’envisage comme un emmerdement au quotidien, un obstacle qui empêchent des destins de se construire, aussi agaçant que le sparadrap collé au doigt du Capitaine Haddock.
Shira Geffen empreinte cette même voie surréaliste pour raconter ces deux femmes, que ce soit dans des espaces privés (l’appartement de Michal ou ne cessent de surgir des gens, notamment des journalistes allemands pour une hilarante séquence d’interview) ou public (ce Check-point ou tout va basculer). Puisqu’elles vivent dans une sorte de folie ordinaire permanente, pourquoi ne pas les faire elles-aussi vaciller ?
Self Made n’est pas avare d’humour noir – on va se souvenir longtemps de la scène ou Michal parle d’une des oeuvres dont elle est le plus fiere : s’être fait enlever l’utérus pour en faire… un sac à main !; la teinte se fait pourtant plus sombre quand même désormais libérées de leur quotidien, en ayant pris la place de l’autre, elles restent prisonnières de règles qui leur échappent.
Même si ce film a alors viré de bord vers une schizophrénie façon David Lynch, s’est fait plus abstrait, une amère morale se fait alors très compréhensible : qu’importe une vis quand c’est un pays tout entier qui a perdu un boulon ?
En salles le 8 juillet