Puisque cette semaine, c’est la rentrée, pour cette chronique comme pour les scolaires, attaquons l’année avec une citation littéraire. « À 17 ans, on n’est pas sérieux » disait donc Rimbaud. À 14 ans non plus. Du moins pas Shabu, un ado qui se prend déjà pour un grand. Mais qui fait donc des conneries. La dernière en date est d’avoir piqué puis fracassé la voiture de sa grand-mère. Celle-ci a la sagesse de le punir en le forçant à trouver des petits jobs jusqu’à ce qu’il puisse payer les réparations. La réalisatrice Shamira Raphaela transforme cet improvisé travail d’intérêt général familial en confrontation entre un môme et les réalités du monde.
Détail non négligeable, Shabu est issu de la classe ouvrière, est enfant d’immigrés venus du Surinam et vit dans une cité de banlieue d’Amsterdam. Soit tout pour donner un documentaire misérabiliste sur la plèbe comme il en pullule depuis toujours.
Sauf que Shabu s’essaie à une autre manière de faire passer la pilule du traditionnel portrait sombre du quart-monde… C’est même probablement une première dans ce registre, Shabu est un film incroyablement solaire. Là où toute une tripotée de cinéastes pleureraient sur l’épaule de ceux qu’ils filment, Shamira Raphaela cherche ce qu’il peut y avoir de lumineux quand on vit dans ce contexte-là. Pas forcément pour glisser vers un sirupeux feel-good-movie qui serait forcément contre-productif, mais au contraire nuancer les choses, ne pas s’abandonner au traditionnel dogmatisme de la misère.
Avec Shabu, on n’est pas dans la grisaille des Dardenne, mais plutôt dans les couleurs du cinéma de quartier du Spike Lee des débuts, pour une sorte de film d’aventure de la vie, au gré des tribulations souvent poilantes de cet ado un peu cossard, mais surtout débrouillard. La saison choisie, un été très ensoleillé, renforçant un esprit des plus chaleureux sans pour autant aller faire la sieste. Raphaëla camoufle, sous les traits du très sympathique Shabu, un concret propos sur l’importance des cultures comme de la transmission intergénérationnelle et plus encore comment elles restent d’une grande modernité.
On pourrait aussi y ajouter cette vision en coupe, quasi ethnographique mais loin de tout stéréotype, des barres HLM à la Hollandaise, avec des horizons pas forcément moins bouché, mais des murs qui paraissent moins infranchissables quand ils ont des teintes pop. Le tout avec une même envie d’optimisme, d’enthousiasme et surtout une profonde tendresse pour cette population, filmée comme rarement, dans la vérité du quotidien : lucide quand à ses difficultés, mais aussi sur un ordinaire de vie qui peut aussi intégrer certaines joies .
Du coup renvoyons Rimbaud à son spleen car Shabu rappelle qu’à 14 ans, on a encore un peu le temps de ne pas être sérieux.
En salles le 31 août.