De passage au Sónar de Barcelone, rencontre avec la sud-africaine, figure phare de la scène touche-à-tout de Durban.
Actrice, poétesse, militante, rappeuse, gérante de label… Sho Madjozi est, la trentaine même pas atteinte, l’une des figures les plus actives de cette scène sud-africaine qui, depuis quelques années et malgré la perte il y a un an du grand ambassadeur de la Bacardi House DJ Spoko, fait parler d’elle au-delà des frontières d’un pays qui a également perdu il y a quelques jours, dans un genre très opposé, l’icône anti-apartheid Johnny Clegg.
Le rap est juste une autre manière d’écrire de la poésie
À onze ans, talent précoce, elle écrivait déjà des poèmes. Aujourd’hui, des poèmes (pas les mêmes que lorsqu’elle était petite), elle en chante et elle en rappe. « Le rap est juste une autre manière d’écrire de la poésie », nous dit-elle à ce sujet.
La scène « électronique » sud-africaine, c’est DJ Lag bien sûr, figure majeure de la gqom de Durban passé hier soir au Sónar de Barcelone (comme le duo queer Faka), mais aussi Batuk, Dirty Paraffin, Muzi, et donc Sho Madjozi, qui a sorti ces derniers mois quelques-uns des gros tubes du moment en Afrique du Sud, en Angleterre (où les sons des sud-africains fonctionnent à merveille) et un peu partout ailleurs. Les plus viraux : « Wakanda Forever », « Idhom » ou « Huku », des titres qui tous figurent sur son album Limpopo Champions League (sorti sur son label Flourish and Multiply), un album qui témoigne d’une ambition avérée (la Champions’ League, en football, c’est compliqué de faire plus prestigieux) en même temps que d’une culture, populaire et intellectuelle, non seulement puisée dans son Afrique natale (elle est originaire du Limpopo en Afrique du Sud, est désormais basée à Durban et a habité en Tanzanie et au Sénégal) et de l’autre côté du monde (elle a appris le Français à Saint-Louis et étudié à l’université Mount Holyhoke, dans le Massachusetts).
Sur disque, sur scène, ses mots sont prononcés en anglais, mais aussi en swahili et en xitsonga, la langue de son ethnie et de sa région natale du Limpopo. Pourquoi ne pas écrire qu’en anglais ? « Parce que les gens de ma ma région ne comprennent pas l’anglais. Écrire dans ma langue natale, c’est une manière pour moi de rester connectée aux gens de mon village, et à mes origines ». Sa musique, elle, est un mélange de qcom (dont elle aime « le côté sombre sur lequel on danse quand même et qui est tellement différent de la musique solaire souvent attribuée aux musiques africaines »), d’hangaan electro, de tropical house sous autotune, de R&B cool, et s’est échappée de Durban, où le monde bouge et les idées fusent. Il est parvenu jusqu’aux tympans des programmeurs du Sònar de Barcelone, où on a eu l’occasion de rencontrer cette jeune femme aux idées claires et à l’esprit vif.
Nova au Sónar, jour 1 : c’est ici. Nova au Sónar, jour 2 : c’est là.
Visuel © Clip de « Huku » de Sho Madjozi