Il y a 30 ans nous quittait l’un des créateurs de l’OK Jazz de Kinshasa.
Le 12 octobre 1989, dans un hôpital bruxellois, mourait Franco Luambo Makiadi. Le guitariste, chanteur et pacha de la rumba congolaise a connu une vie intense faite de créations, de polémiques et de challenges. Voici six morceaux qui retracent la carrière de ce colosse, sorcier de la guitare et cofondateur de l’Ok Jazz (Tout puissant orchestre Kinshasa jazz), près de 30 ans après sa mort.
– 1960, « Tcha Tcha Tcha mi amore »
L’un des premiers succès de Franco avec le OK Jazz, le groupe qu’il a crée en compagnie de Jean Serge Essous. Dans « Tcha Tcha Tcha mi amore », ses riffs sont millimétrés, le groove est là et le nom du morceau comporte un des surnoms du musicien, « Franco Mi Amore ». Un morceau qui démontre toute l’influence cubaine, dans cette rumba congolaise, qui évoluera par la suite en Soukous, Ndombolo ou encore Tchatcho. Une influence venue par cargo, quand les marins faisaient escale dans les différents ports d’Afrique de l’ouest, la musique remontant alors le fleuve Congo.
– 1967, « Lumumba Héros National »
Les liens entre Mobutu, dictateur président du Zaïre, et Franco, ont toujours été ambigus. Ce dernier a fait beaucoup de morceaux mettant en avant la bienveillance du « Léopard du Zaïre » et a même écrit des titres pour des campagnes politiques, comme en 1984 avec « Candidat Na Biso Mobutu ».
Mais la chanson « Lumumba, Héros National » a une histoire toute particulière, car c’est l’histoire du Congo avant qu’il ne devienne Zaïre. Patrice Lumumba est un héros de l’indépendance, Premier ministre d’un Congo connaissant un vent de liberté en 1960. L’administration belge est alors encore très présente à tous les grades de l’État et de l’armée : un soulèvement populaire éclate. Lumumba est du côté du peuple, qui veut une indépendance réelle et concrète. Mobutu, chef d’état major, trahit le Premier ministre, renverse le pouvoir à l’aide de la CIA et assigne à résidence son ancien ami. Lumumba s’échappe mais se fait rattraper. Il est assassiné le 17 janvier 1961. Franco écrit donc cette chanson à la demande de Mobutu. Le nouveau dictateur veut faire oublier le fait qu’il a commandité la mort du « héros national ».
– 1973, « Simba Nkoni »
En 1974, alors que George Foreman allait affronter Mohamed Ali pour le titre de champion du monde poids lourds de boxe anglaise, à Kinshasa, Franco joua avec son TP OK Jazz dans le stade du 20 mai. Un festival de trois jours, Zaïre 74, était organisé avant le combat et des artistes tels que BB Bing, James Brown, Carlos Santana mais aussi Manu Dibango, Tabu Ley et Miriam Makeba s’y sont produits. Malheureusement, George Foreman se blesse le 25 septembre, et le match est reporté au 30 octobre 1974. Ali couchera son adversaire dans le huitième round par KO.
– 1978, « Marceline », « Hélène », « Jackie »
Depuis le début de la décennie et surtout en 1977, Franco est dans la provocation. Il décide de dénoncer les mœurs légères, les infidélités et autres parties fines tout en faisant danser avec ces sujets. Mais dans son pays, qui à l’époque est le Zaïre de Mobutu, ces satires de la société ne plaisent pas au dictateur. Pour ces chansons, Franco et quelques-uns de ses musiciens passeront deux mois en prison. Une expérience qui le poussa à s’exiler quelque temps en Europe.
– 1984, « Mario »
En 1984, Franco est de retour au Zaïre après avoir passé quelque temps en France et en Belgique. Toujours avec la même volonté de critiquer la société zaïroise, il écrit « Mario », son plus gros tube. Le titre parle d’un homme qui séduit des femmes plus vieilles pour vivre à leur crochet. Le chanteur du TP OK Jazz, Makiadi Madilu se met dans la peau d’une femme qui entretient Mario. Franco, lui invective le profiteur et lui demande d’arrêter. Le morceau est un gros succès, un tube, pourtant, il parle d’un sujet délicat. Celui du quotidien difficile pour bon nombre de femmes, Mario étant machiste, irresponsable et violent.
– 1987, « Attention Na Sida »
Le 12 octobre 1989, Franco meurt à Bruxelles, sans qu’aucune circonstance officielle ne soit donnée. En 1987, il sortait le morceau « Attention Na Sida », pour éveiller les consciences sur la dangerosité de cette maladie nouvelle qui se propage dans le monde. Un titre très long qui prend le temps d’alerter les populations sur ce fléau. Bien qu’on ait pensé à un cancer des os, c’est le VIH qui as eu raison de ses jours.
Visuel © pochette de Le grand maître Franco – Nana – Baniel et le T.P.O.K. Jazz dans Cherche une maison à louer pour moi chéri