La Jamaïque s’est réinventée plusieurs fois.
En 1970, le label de Clement « Coxson » Dodd, Studio One, devrait être sur le déclin. La concurrence comme Island, de Chris Blackwell devient féroce…Il s’est fait piquer Burning Spear, Heptones et bientôt Marley et Wailers !
En plus, Don Drummond, issu des Skatalites et personnage important, a abattu sa compagne, la danseuse Anita Mahfood au cours d’une crise de folie… et Jackie Mittoo, génial arrangeur du studio et organiste, est parti au Canada. La totale.
Mais le studio en a vu d’autres , il a déjà intégré plusieurs époque capitale de la musique jamaïcaine : Mento, Ska, Rocksteady, Downbeat, Reggae…
Cette fois ce sont les Sound Systems qui vont apporter des idées et du sang neuf : Les DEEJAYS, ces Toasters géniaux, qui imitent les présentateurs de radios américains… en plus inventifs, mélodieux, ryhtmés … que leurs modèles.
Avec les seventies, la montée du style « sound system », – amorcé depuis dix ans avec des pointures comme King Stitt ( le Quasimodo de Trenchtown , ange gardien de Studio One que j’ai rencontré chez lui !) –ce style LIVE et personnalisé va frapper fort et influencer le monde. Le RAP lui doit tout .
Ce sera le règne de personnalités uniques comme U-ROY « the originator », BIG YOUTH et son tube S.90 Skank , et DILLINGER… Un Style entre rastas excentriques et Pop flashy avec chapeaux géants, boots, jaquettes, couleurs satinées… et surtout un chant syncopé, des cris, des invectives, le tout dans la langue du ghetto.
D’ailleurs le style SKANK a deux sens: le contre-rythme du reggae, le contretemps des accords avec delay, mais aussi Skank en argot veut dire vulgaire, pauvre, sale…
Toujours la malice jamaïcaine, insolente, provocatrice et fière, même dans le dur !
Des appellations comme « Roots reggae », « Natty Dread », entourent cette passion que vont animer ces showmen que furent ces stars du « Toasting », véritables porte paroles du ghetto, de la rue et des Sounds… ( futurs dancehalls)
Prince Jazzbo, Denis Alcapone, Tapper Zukie, I-Roy , Prince Far I.. le nombre de ceux qui se lancèrent à l’assaut de ce genre, en même temps très chanté, crié, avec onomatopées et effets ( le DUB va venir « aggraver » leur style, avec écho, nappes de synthés et tous les gimmicks de mixage possibles), marque cette époque clé.
Tradition orale, chœurs d’églises, spiritualité et électronique ont accouché de cette
manière prodigieuse de raconter le quotidien avec toutes les subtilités de chaque interprète. Chaque orateur va développer sa manière vocale… jusqu’à l’excès.
Une nouvelle couche de sédiments de cette époque vient d’être exhumée par SOUL JAZZ RECORDS, avec ce Studio One Showcase in the 1970’s.
18 morceaux des débuts de cette époque héroïque sont réunis, dont Horace Andy, Prince Jazzbo, Dillinger, Sugar Minott… Les plus belles voix de Jamaique, avec des orgues sinuants, et une chaleur humaine unique, qui va dramatiquement se fracasser dans les luttes politiques et les gangs des années 75-80.
Collectors, Selectors, Aggrovators … Le vent de l’histoire.
_ Studio one Showcase . The sound of Studio One in te 1970’s. CD 18 titres.
Soul Jazz Records+ Livret avec historique + photos et légende de chaque artiste