Où quand, dans les années 80, un groupe de pop décide de ne pas apparaître sur ses propres pochettes.
Au Point Éphémère (Paris Xe, métro Jaurès), on expose actuellement les pochettes des Smiths, le groupe formé autour du duo, curieux, formé par Johnny Marr et Morrissey (l’un sort beaucoup et veut remplir des stades, l’autre est un solitaire lettré, soucieux d’indépendance, de végétarisme et de lutte contre la vivisection). Ensemble, ils sont auteurs de quatre albums en autant d’années au coeur des années 80 (de The Smiths en 1984 à Strangeways, Here we come en 1987), discographie courte mais légendaire qui marqua à tout jamais les contours de la musique de Manchester (et ce même si les deux Mancuniens ne signeront pas chez l’omnipotent label local Factory mais chez les Londoniens de Rough Trade) et plus globalement l’intégralité du royaume, le fait de quelques singles devenus, depuis, classiques indémodables de la pop fabriquée en Grande-Bretagne (le premier, « Hand in Glove », et puis « This charming man », « Meat is Murder », « There is a light that never goes out »…)
Cette exposition, le fait d’un mélomane (Pascal Renoult) devenu, à force de s’en procurer, véritable collectionneur de disques, rappelle la formidable singularité d’un groupe mené par un chanteur engagé, excessif et polémique (l’album Meat is Murder, on le rappelle, est une ode au végétarisme et une critique stridente du consumérisme britannique et de l’administration Thatcher…) qui ne se contenta pas de renouveler la manière de faire de la pop de ce côté-ci du monde, mais renouvela, aussi, la manière de la représenter, cette musique pop.
Pas de Smiths sur les pochettes des Smiths
Dans les années 80, et le procédé n’a en réalité pas forcément beaucoup évolué, on illustre en effet de manière quasi systématique un disque étiquetté « pop » en apposant dessus le visage de son interprète principal, ou du groupe tout entier. Mais chez les Smiths, on fera différemment. C’est Morrissey, bien sûr, qui en décidera ainsi. Résolument alternatif, il décidera, aux côtés de la coordinatrice artistique de Rough Trade – Jo Slee – de mettre en scène au sein des pochettes du groupe non pas son faciès, mais celui d’autres : vedettes de tous les jours (Alain Delon sur The Queen is Dead, Elvis Presley tout jeune photographié par son coiffeur de l’époque sur Shoplifters of the World Unite…) ou d’un quart d’heure, ou anonymes même parfois (There Is a Light That Never Goes Out). Et puis les Smiths finalement, au complet, mais sur un best of, datant de 2008.
Illustrées par des images bichromies, dès le début du projet, ces visuels font ainsi référence à des sujets typiques de la culture populaire britannique des années 50 et 60 (celles durant lesquelles a grandi Morrissey), images sorties de leurs contextes pour être réutilisées au profil de celle des Smiths. Ces images se voient donc, exposées et racontées, actuellement au Point Éphémère. Et comme tout est parfait, l’entrée y est même gratuite.