Bobby Beausoleil, et autres anges cruels.
Les Éditions Séguier continuent l’exploration des contre-cultures, des marginaux, de personnages hors du commun, d’excentriques, artistes maudits et autres égéries plus ou moins glamour…
Cette fois c’est Fabrice Gaignault, écrivain dandy et connaisseur des décennies magiques et maudites (60’s et 70’s), qui s’est attelé à l’enquête…On se souvient de ses Égéries sixties (2008), hommage à sa propre mère, évocation des filles inspirantes et aventurières des années 60 (il a aussi osé s’attaquer à Vince Taylor !)
Avec Bobby Beausoleil, il nous plonge dans l’atmosphère de la deuxième moitié des années soixante à Los Angeles, quand le mythe hippy, après bien des miracles et des explosions de talents, tourne à l’aigre…
Garçon de la Pop culture…
Bobby fut un de ces garçons de la Pop culture, cherchant sa place de musicien entre auditions et rencontres, notamment avec les Beach Boys, mais aussi Frank Zappa et ses Mothers of Invention, et Arthur Lee, le précurseur et son groupe Love (dont Jim Morrison s’inspirera avec les Doors…)
Un espoir, parmi d’autres gosses de la côte est, flashé par le LSD, transporté par la Sinsemilla ou les champignons mexicains, en quête d’aventures et de succès.
Mais Bobby rencontra aussi Kenneth Anger, cinéaste underground homosexuel, qui trainait, avec quelques films superbes et décalés (Fireworks, Eaux d’artifice, Scorpio Rising, Kustom Kar Kommandos, Invocation of my Demon Brother, Lucifer Rising…) Une image sulfureuse depuis la parution de son livre Hollywod Babylon, où les scandales des stars d’Hollywood, entre révélations et ragots, et qui avait impressionné la Free-press par son côté « backstage », cet autre côté du miroir, mais branché.
Anger déclara que Bobby était la réincarnation du démon, après lequel il courait, dans l’esthétique psyché, décadente de ses courts-métrages underground.
Il demanda à Bobby de composer la musique du prochain Invocation of my Demon Brother, film étrange, initiatique, auquel Mick Jagger participa de loin, avec apparition de son ex : Marianne Faithfull, en pleine desintox, jouant une prétresse !
…et taulard
Car toute la célébrité de Bobby Beausoleil est venue de ses fréquentations. Et pour vous achever (et pas seulement vous…) dans ce « name dropping forcené », Bobby finit par croiser Charles Manson (futur assassin de Sharon Tate, miss Polanski ) avec sa bande de filles tueuses !
Ce fut la rencontre de trop et, suite à un deal foireux de poudre coupée avec des Hell’s Angel, Bobby se rendit chez le dealer avec deux des girls de Manson et finit, après bien des péripéties, par le poignarder (en 1969). Histoire de fous, de dérive, de dope, Bobby échappa à la chaise et vit toujours, derrière de gros barreaux (comme Manson !)
Ce fait divers, l’auteur le raconte sobrement, il en a refait le trajet, croisant d’anciennes relations du jeune B.B., entre tristes mémoires et amertume, mais surtout il y mêle sa propre vie, avec d’autres rencontres mythiques : du prince des surfers, Miki Dora (renseignez-vous sur sa légende), échoué à Guéthary, ou même la dernière incarnation d’Yves Adrien, Rock Critic et auteur de quelques traités d’esthétiques Rock, Punk, puis mystiques…
Ce livre est aussi, en dehors du parcours tragique d’un tout jeune homme dans l’œil du cyclone « flower power », le portrait d’une génération éclaboussée de lumière et de rêve, puis d’une éclipse inattendue, prolongée, qui a rendu le monde plus spectral et inhospitalier, même pour ceux qui avaient réussi le voyage.
Ce coucher de soleil californien mérite le détour, surtout qu’il existe assez peu de cartes postales fidèles à l’original.
Bobby Beausoleil, et autres anges cruels, par Fabrice Gaignault. Éditions Séguier. 225 pages. 20 euros. Avec quelques photos noir et blanc.
Visuel : (c) DR