Entre les samples de son adolescence et ses souvenirs de soirées hip-hop et techno, Tom Grand Mourcel livre un spectacle intime sur son rapport à la danse, au mouvement et au son.
Samedi dernier, le Festival Faits d’hiver tirait le rideau de sa 27ᵉ édition après plus de trois semaines de spectacles à travers l’Île-de-France. Depuis sa création en 1999 par Christophe Martin, écrivain spécialisé en danse et fondateur du centre Micadanses à Paris, ce festival francilien défend une danse d’auteur accessible à tous envisageant les chorégraphies contemporaines dans toutes leurs diversités. Alors, au programme de cette soirée de clôture à Micadanses, dans le Marais, on retrouve Tom Grand Mourcel, membre du collectif Dikie Istorii, qui présente Solus Break. Un spectacle qui parle « d’identité rythmique », du rapport de notre corps au son, mais aussi de « solitude ».
Un dispositif sobre, un spectacle épidermique
Au moment où la salle se remplit, Tom est déjà là, seul sur le plateau. Il tourne le dos au public et à son DJ, Arnaud Bacharach, pour faire face à un système son, une pile d’enceintes et d’amplis. Rien de plus. Le public, lui, est assis tout autour du plateau, comme pour renforcer le caractère intimiste et solitaire du dispositif. Cette sobriété scénographique, c’est ce que Tom et ses équipes recherchaient : « Le but, c’était aussi qu’on ne sache pas vraiment où je me situe. Cela peut être dans un club, dans une rave, tout seul dans mon garage ou dans ma chambre, pour amener le public dans une certaine intimité, une solitude ». Parce que finalement, la danse, c’est d’abord un rapport très personnel à nous-même, à notre corps. Comme un coup d’électricité qui nous traverse, de la tête au pied, à la vibration d’une basse, l’envol d’une mélodie ou le rythme d’un break. « On pense souvent que ces endroits de la nuit sont très collectifs, mais ce sont aussi des moments très individuels. Tu es tout seul, avec toi et tes souvenirs, tu plonges dans des musiques, dans des sons qui te transcendent », raconte Tom Grand Mourcel.
Dans cette première partie, le personnage incarné par Tom semble se chercher. Son corps est comme prisonnier, entravé par le silence qui hante la salle. Soudain, un break de batteries retentit. C’est le fameux break de batteries du morceau « Amen Brother » des Winstons, un groupe de soul funk de Washington samplé des milliers de fois dans l’histoire du hip-hop. On comprend alors très vite où Tom veut nous emmener.
Petit à petit, il déploie son corps et ses meilleurs pas de danses. Imaginez les attitudes du hip-hop et l’énergie des meilleures soirées techno : nous voilà entrés dans la deuxième partie du spectacle. Il s’empare de la scène, circulant aux quatre coins du plateau dans une amplitude digne d’un patineur artistique. L’apparition des samples s’intensifie, rythmées par le jeu de lumière (réalisé par Johanna Thomas) et les gimmicks fredonnés par Tom : « Break Your F*cking Neck ! ». Sa fougue devient contagieuse, le public, conquis, ne peut s’empêcher de vibrer. Son pari est relevé, celui de « convoquer un ensemble, un collectif, grâce à une seule personne ».
Un spectacle en mutation
Ce spectacle, Tom Grand Mourcel l’a créé il y a deux ans déjà, avec Arnaud Bacharach, son acolyte chez Dikie Istorii, derrière les platines sur chaque représentation. Depuis sa création, Solus Break a eu le temps d’évoluer, de prendre en maturité, et Tom rêve désormais de l’amener autre part, dans de nouveaux espaces. « Il y a une vraie envie de présenter ce genre de projet dans des tiers lieux, dans des espaces plus musicaux, moins institutionnels, chorégraphiques ou théâtraux. Il y a aussi l’envie de pouvoir amener ça dehors, dans des friches, des espaces plus underground ». Des lieux qui permettront d’apporter une autre dimension à son spectacle, qu’il espère rendre plus fédérateur et festif en invitant le public à le rejoindre sur le plateau, pour danser autour du soundsystem.
À l’automne prochain, Tom et sa compagnie Dikie Istorii retourneront à Clermont-Ferrand pour rejouer Solus Break au pôle chorégraphique Boom’Structur. D’ici là, Tom et son collectif espèrent pouvoir relancer le projet « No Pasaran », un spectacle immersif et participatif sur le thème du soulèvement, avorté en 2020 à cause de la crise sanitaire.