À quelques jours des échéances présidentielles, le producteur sort l’un des clips les plus engagés de l’année.
Une musique qui suggère l’oppression la plus infernale ouvre d’abord ce tableau animé dont il fallait absolument vous parler aujourd’hui. La caméra, elle, a zoomé sur un corps dont on comprend rapidement qu’il s’agit de celui de Kiddy Smile, producteur, chanteur, militant, pape de la queer culture à la française, qui compose de la house comme d’autres brandissent fièrement, au sein de batailles qu’il n’est pas aisé de gagner, un étendard arc-en-ciel.
Le musicien est allongé… mais ce n’est pas d’un repos bien mérité ou d’un instant d’oisiveté dont il s’agit. Car c’est dans un hangar, sombre et hostile, dans lequel ce corps est étendu. On devine aisément les courants d’air qui s’immiscent entre les os, font frissonner la peau, jouent au fléau qui infiltre le cerveau. Et encore, s’il n’y avait que le froid…
Des insultes donc… mais aussi des gestes obscènes, comme ceux qui disent, avec la main, « je vais te trancher la gorge. Tu vas mourir ». Des coups fusent, ils ont l’impact de morsures. Kiddy est, comme qui dirait, passé à tabac. La house, elle, a débuté, fracassante, obsédante, un brin oppressante. On se retrouve à dodeliner de la tête, et bientôt à danser de manière frénétique, devant la vidéo d’un corps qui s’en prend plein les côtes et qui finira, dans un ultime élan de haine remarquablement mis en scène, au bûcher. Kiddy, entre-temps, s’était élevé, avait pris la forme d’un Christ — plus moderne que celui de Bethléem, sans doute —, avait terminé sa course, lui aussi, par la faute d’une violence et d’une bêtise extrême.
Car autour de Kiddy, qui se retrouve bientôt soulevé par la petite assemblée, des humains et des humaines se sont regroupés. Des insultes fusent — on ne les reformulera pas car elles ne sont pas belles — et des mises en garde, aussi. « On ne se laissera pas faire », dit une voix qui appartient à l’un des représentants des forces de l’ordre qui tiennent, en ce lieu isolé, Kiddy Smile prisonnier. Beaucoup de flics entourent Kiddy. Et certainement pas les plus éthiques de la profession. On voudrait crier ACAB mais on ne le fera pas.
Ce sont l’homophobie et le racisme, qui, dans ce cas-ci, ont gagné. Les flammes les ont calciné mais la house, elle, a, jusqu’au bout, pris le parti de la résistance.
Il s’agit d’une métaphore de ces violences policières qui, en France, aux Etats-Unis ou ailleurs, gangrènent le principe même de liberté élémentaire. À quelques jours d’une élection présidentielle où l’extrême droite pourrait, une fois encore, se retrouvée bien placée sur la ligne d’arrivée, cette vidéo réalisée par Kiddy Smile fait figure de pavée jetée dans l’océan de dérives ultra violentes qui ont empoisonné ces derniers mois de manifestations en tout genres en France.