Confiné à Noisy-le-Sec, cet écrivain et historien prêche avec panache la convergence des luttes, « beaux dans nos habits neufs de lambeaux rouge drapeau, vert et arc-en-ciel, mêlés de bouts de gilets jaunes ».
« C’est une histoire d’enfants sauvages, qui vivent dans une maison, une institution, où ils font leur loi », écrit Sylvain Pattieu en avant-propos de son roman Forêt-Furieuse (éditions du Rouerge, 2019), dont l’adaptation musicale était sur le point d’être présentée au festival Hors Limites de Seine-Saint-Denis – hélas annulé. « C’est Sa Majesté des Mouches dans un monde post-apocalyptique sur fond de PNL et de contes et légendes de l’Ariège », précise-t-il à propos de ce conte situé « peut-être bientôt ou bien plus tard » dans un « val charmant, enserré dans des montagnes peu hautes » où « comme partout la lutte des classes règne ». Au cœur du conflit : le contrôle de la forêt. Bergers et paysans « se camouflent le visage, se mettent des robes, se déguisent en femmes pour rosser les gardes forestiers et les charbonniers » et surtout faire rendre gorge aux maîtres des forges, qui « parlent de velours mais agissent en brutes. »
Au terme de son préambule, l’auteur, historien et professeur de création littéraire à l’université Paris 8, note avec sagesse, au sujet d’éventuels lendemains qui chantent : « Il ne faut pas croire les progressistes fanatisés, les dogmatiques de l’avenir radieux ou de l’Apocalypse, les naïfs du futur : il y a des soubresauts, de grandes reculades, des têtes-à-queue. »
Originaire d’Aix-en-Provence, confiné en famille du côté de Noisy-le-Sec, Sylvain Pattieu compare notre système à un « putain de labyrinthe », « avec du sang sur des murs bien hauts », dont nous ne parvenons jamais à sortir, pourchassés par un minotaure « monstrueux et ridicule », patriarcal, raciste et ultralibéral, que nous serions pourtant susceptibles de tuer « si on se posait deux secondes pour réfléchir. » Dans sa projection, le peuple cherche le fil d’Ariane (« qui s’est barrée, elle ») ou plutôt les fils, car il y en a plusieurs : engagement écolo, alimentation bio, spiritualité, mais… « lesquels suivre et lesquels démêler ? »
Et c’est ainsi que l’écrivain prêche avec panache la convergence des luttes, « beaux dans nos habits neufs de lambeaux rouge drapeau, vert et arc-en-ciel, mêlés de bouts de gilets jaunes », les vertus du collectif, « humbles et déterminés », pour faire tomber les murs – les petits, puis les gros – avec « des fumigènes, des caisses enregistreuses ou des moules à gaufres. » Allons enfants (sauvages), le jour de gloire est arrivé.
Visuel © Le Labyrinthe, de Wes Ball (2014).