Dans les années 60, le Japon découvre Takeshi Terauchi, l’une des figures de proue d’un mouvement culturel, le Eleki Buumu (comprenez « le Boom de l’électrique »). Le label français 180 g lui rend hommage.
Au début des années 60, le Japon est soudainement atteint d’une drôle de fièvre, pointée du doigt par les classes conservatrices du pays. Une maladie qui touche à toute une génération de jeunes Japonais, et transmise, comble du cynisme… par les Américains (les États-Unis et le Japon, on s’en souvient, furent de redoutables adversaires lors de la Seconde guerre mondiale…) Un groupe de surf rock venu des USA, The Ventures, s’est produit sur le sol japonais en 1962. Depuis, des guitares heroes émergent partout. Le mal semble profond.
Guitares heroes
Chez les adolescents nippons, c’est alors la première fois que l’on entend ce genre de son sur le territoire. Un son nouveau, accrocheur, qui devient très vite le truc le plus cool du moment. La guitare électrique, en quelques mois, fait son entrée dans les chambres des adolescents japonais et en quelques années, on passe d’un millier de guitares vendues – autant dire une rareté réservée aux puristes – à des dizaines de milliers de grattes coulées, voire des centaines de milliers.
Des guitares, il y en a alors partout, c’est une guitare mania perçue par les adultes comme une décadence de la société. Des commissions scolaires vont même jusqu’à interdire cet instrument considéré comme un accessoire de la délinquance. Le Eleki Buumu finira par influencer les surf rockers originels, The Ventures instigateurs de cette fièvre de la corde électrifiée reprendront même les titres « Black Sand Beach »et « Yozora No Hoshi »de Kayama and The Launchers, un autre groupe phare de ce mouvement culturel. Retour à l’envoyeur.
Au sein de cette nouvelle mode, des musiciens progressent, des groupes émergents et l’un d’eux, très vite, va se démarquer : Takeshi Terauchi, aussi connu sous le nom de Terry. La force de Takeshi Terauchi, c’est alors sa capacité à lier un son frais, celui des guitares électriques ambiance surf rock, et celui d’un instrument traditionnel de la culture japonaise, le shamisen.
Terry tient la pratique de cet instrument de sa mère, qui était justement professeure de shamisen, un instrument à corde qui ressemble à une guitare ou à un banjo – si vous avez déjà vu un film ou un animé qui se passe à l’époque du Japon féodal, vous en avez certainement déjà entendu.
Shamisen électrique
Cette guitare électrique, Takeshi Terauchi en joue comme s’il s’agissait d’un shamisen, avec le même type de mouvement, une attaque sur la corde bien plus prononcée que les guitaristes classiques. Cette manière de jouer fait de lui un artiste hors pair, un pont entre une pratique ancestrale et une tendance qui touche la jeunesse, il va donc vraiment apporter un aspect purement endémique à l’électrique guitare.
Takeshi se fait connaître avec son groupe, les Blues Jeans, nommé après les pantalons portés par les Américains, autre exemple du soft power de l’Oncle Sam qui fait grincer des dents les génération d’avant au Japon. Takeshi et ses Blues Jeans sortent des disques, se produisent partout au Japon et même en dehors des frontières du pays, pour une tournée en URSS. Takeshi devient une légende du mouvement Eleki Buumu.
Le travail, quasiment inconnu en France de Takeshi Terauchi, est réédité aujourd’hui au sein d’une minirétrospective de son œuvre, une compilation confectionnée par le label français 180g, Eleki Bushi 1966-1974, accessible sur le Bandcamp du label, un hommage discographique qui donne une furieuse envie de se transformer en guitar hero !