1945 > 2012, un perdant magnifique
Terry Callier est mort dimanche 28 octobre 2012 à Chicago, là où il était né il y a 67 ans. Une bien drôle de carrière : comme dirait Scott Fitzgerald, “a magnificent loser”, un perdant magnifique.
Juillet 1979, sur la scène du Montreux Jazz Festival : un chanteur noir américain avec une guitare acoustique, pour une soirée soul, ce n’est pas courant. Dès qu’il attaque une première mélodie, respect général : voix aussi satinée qu’une bonne cuvée Marvin Gaye, groove gouleyant, une heure de cette soul si intense, des chansons profondes, pas très loin de Gil Scott Heron. Qui est donc ce singulier personnage ? Terry Callier, un petit tour (en Europe) et puis s’en va. Je rafle deux albums parus les années précédentes sur le label Elektra. Et puis plus de nouvelles, pendant… douze ans.
Tout de même, ayant laborieusement remonté le temps, j’ai bien déniché “The new folk sound of Terry Callier”, un album sur Chess, le mythique label blues de Chicago, que Terry Callier, pote d’adolescence de Curtis Mayfield dans leur Chicago natal, avait enregistré en 1964, mais sorti quatre ans plus tard, son producteur ayant embarqué les bandes dans… le désert mexicain.
Première d’une longue série de mésaventures. La suivante, ce sont trois albums au début des années 70 sur un un label cousin, Cadet, avec notamment “What colour is love” (ci-dessus). Dont le producteur va à son tour voir ailleurs. La troisième, il ne le sait pas encore, sera dans la foulée de deux albums Elektra et de cette courte tournée européenne sans suite.
Un album sorti quatre ans plus tard, son producteur ayant embarqué les bandes dans… le désert mexicain.
Une fois de plus, Terry Callier retourne à son boulot formateur, créateur de logiciels pour le compte de l’université d’Illinois. Jurant qu’on ne l’y reprendrait plus avec la musique. Silence radio… Et le reste. Il faudra attendre le tout début des années 90 pour qu’un Londonien fouineur, Eddie Piller du label Acid Jazz, exhume un album seventies, puis parte à la recherche de l’homme.
C’est l’Europe qui le remet à flots, pour de bon… Enfin presque. Suit un merveilleux album, “TimePeace” sur le label Talkin’ Loud de Gilles Peterson avec notamment une reprise de la BO du film Spartacus, estampillée Nova (ci-dessous), et puis des remixes, par Zero Seven ou Four Hero, ensuite une brassée de beaux disques, entre urgence et intemporalité. Et surtout des tournées en Europe, d’ailleurs, il prend sur ses vacances pour venir chanter chez nous. Et notamment à Nova.
Terry Callier pense même à s’installer en Europe. Mais préfère demeurer à proximité de sa fille. Terry est heureux de retrouver Paris, c’est un fin gourmet. Il ne se lamente même pas de ce que dans son pays personne ne s’intéresse à lui ou que pas un de ses disques européens ne sorte aux USA. Le dernier en date, “Hidden Conversations” est paru (chez nous) en 2009, avec la collaboration d’autres de ses grands fans, Massive Attack.
Terry Callier repose à présent en paix. Il était depuis longtemps en paix. Avec lui même !