Sortie en 2006, mais toujours aussi actuel.
Depuis le triomphe, en 2020, de Parasite – entre une palme d’or et une palanquée d’Oscars, le grand public français connaît le nom de Bong Joon-Ho. Ça n’a pas toujours été le cas. À sa sortie en 2006, son troisième long métrage et l’un de ses films les plus ambitieux, The Host, s’est même pris une colossale taule en salles, dégageant très rapidement de nos écrans. Peut-être parce qu’ici, le spectateur lambda n’était pas encore prêt à un cinéma sud-coréen envoyant valdinguer les codes de récit classiques, capable comme ici de fusionner ceux du film de monstre, du film social et du récit d’apprentissage. Croiser les univers de Ken Loach et Godzilla était probablement encore un peu too much pour les regards occidentaux, ou donnait simplement un film pas simple à marketer, encore moins quand sous l’apparence d’un blockbuster se nichait un fond engagé. Dix-sept ans plus tard, la culture globalisée a mondialisé celle sud-coréenne, de l’appétit pour le Kimchi à celui pour la K-Pop. Un contexte bien plus favorable à la réapparition, voire une seconde vie de The Host dans nos salles
Du coup, faudrait-il se réengager vers ce film plus engagé qu’il n’y paraît ?
Absolument, quand au-delà de la maestria avec laquelle Bong Joon-ho enchevêtre mélo familial et donc film de monstre à travers la quête désespérée d’un père pour aller sauver sa fille des griffes d’une créature géante, on lira bien plus facilement entre les lignes, le côté pamphlétaire d’un réalisateur taclant de manière très frontale une société sud-coréenne peu tendre avec ses prolos, jusqu’à faire d’un état défaillant, le véritable monstre de cette affaire. Bien plus que par son carambolage des genres, The host est un film en état de rébellion quand il explore l’éveil d’un père (génialement joué par le non moins génial Song Kang-Ho) qui est aussi un citoyen de plus en plus en rogne contre l’abandon des institutions. Sans oublier un coup de gueule écolo – le film est en partie inspiré des dégâts environnementaux causés en 2000 par des rejets chimiques américains dans le Han, rivière qui traverse Séoul. Les scènes de quarantaine du film de 2006 faisant d’ailleurs curieusement échos à la débâcle sociale asiatique lors de l’irruption de la Covid-19. Idem pour la vision d’un état dénigrant, voire ignorant sa population précaire. Tout ce qui faisait de The host un film trop décalé lors de sa première sortie est devenu d’une totale cohérence aujourd’hui. Il est donc grand temps d’aller voir ou revoir, un film monstrueux, mais aux sens jouissifs et qualitatifs du terme.
Reprise en salles, le 8 mars.