Si l’on parle de rock en France, le vivier a beau être d’une richesse incroyable, peu d’artistes, peu de groupes parviennent à éclater le plafond de verre du mainstream, tout en conservant une crédibilité intacte. On peut les compter sur les doigts de votre main. Parmi elleux, il y a les Limiñanas. THE Limiñanas, même. Un malabar barbu à la guitare, une batteuse rousse et timide et, pour grossir le nombre au besoin, quelques collègues zicos (de studio, de scène ou des invités comme Anton Newcombe, Pascal Comelade ou Bertrand Belin) : telle se présente, inamovible depuis les années 2000 cette formation cabestanyenque prisée des fondu.es de compils Peebles comme des abonné.es Spotify, des âmes candides et des coeurs de lynx, des auditeur.rices de Nova Bordeaux comme des lecteur.rices de Grazia.
Trois ans après leur dernier passage bordelais (à l’époque Shadow People), les Limiñanas investissent la Rock School Barbey pour présenter les chansons, l’atmosphère, l’histoire, de leur nouvel album : De Pelicula, disque narratif, fougueux, crâne, entêtant, composé avec Laurent Garnier (dont le récent passage par le Nova Club s’écoute ici). Une alliance « Limilolo » qui a fait mouche : constat évident dès les premières secondes, dès le morceau d’ouverture, l’éponyme « Saul », sorte de plan-séquence qui plante de décor, campe les personnages ; du motorik psyché et cinématographique qui a tourné un nombre incalculable de fois sur nos ondes ; on le retrouvera avec un plaisir évident dans ses atours live, bruts de décoffrage.
Lionel Limiñana : « Ce qui nous relie [avec Laurent Garnier], ce sont des groupes comme les Stooges de Fun House ou Can, et cette idée de transe, de répétition, qui me fait toujours tripper. C’est un truc d’électricité. La transe, c’est ce que produisait cette musique : elle m’emmenait ailleurs, loin de ce bahut où on allait m’emmerder parce que j’étais habillé en noir. »
Il a un peu (beaucoup) de Lionel dans le profil de Saul, ce « p’tit môme de province » qui « aime la musique et le cinéma », « va au lycée, mais déteste ça ». Un outsider rock qui prend la tangente avec Juliette, prostituée dans une caravane, « little french witch » devenant la moitié de cette virée fugitive, de cette rébellion sans cause, road-movie oblique, de fuzz, de sable et de bitume, sucre de Can cristallisé, carbonisé, raclé froid au fond d’un ramequin de crème catalane.
Une précipité d’adolescence fantasmée, Docs aux pieds, T-shirt Tigre du Bengale et lunettes velvétiennes, bourré d’allusions aux années teenage, aux films, aux disques, aux bagnoles, aux silhouettes aperçues, recomposées, « de références et blagues à usage interne » dixit Garnier. Un parcours propre à ébouriffer les toupets et faire trembloter la viande sur l’os, qui ne vous laissera pas en rade sur une aire d’autoroute (là où, divulâchage, finit Saul, planté par sa meuf).
Venez boire de ce sortilège, participer de cette aventure humaine, hors du soutien de la pellicule. Circonstance favorable : votre billet, gratis, se dégote JUSTE LÀ, EN DEUX CLICS, au cul du camion numérique, peinturluré Nova Aime. Un billet d’autant plus précieux que le concert affiche complet, guichets fermés, depuis belle lurette. Après quoi vous pourrez vous pencher sur l’exacte composition de leur recette des migas.
The Limiñanas, le samedi 23 octobre à 20h @ Rock School Barbey (Bordeaux).