« À l’heure où le pouvoir se démasque enfin », ce plasticien lyonnais appelle à la constitution d’une gigantesque tribu de contestataires depuis sa pré-apocalyptique Demeure du Chaos.
Chaos in progress. Peinte à l’entrée de ce méphitique et fascinant musée d’art contemporain à ciel ouvert, la formule n’a peut-être jamais eu autant d’impact qu’en ces temps troubles de crise sanitaire globalisée. Le chaos, en chantier, progresse. « On va en chier. Big Brother est là. Nous ne sommes qu’au début des cercles de l’enfer de Dante. Malgré tout, c’est le chant de tous les possibles ! », se réjouit Thierry Ehrmann entre les murs de son Xanadu, « La Demeure du Chaos », laboratoire d’expériences pré-apocalyptiques de 9000 m2 situé à vingt minutes de Lyon, dans le village de Saint-Romain-au-Mont d’Or. « L’une des aventures artistiques les plus fortes du XXIème siècle », d’après le New York Times.
Depuis 1999, cet industriel et plasticien lyonnais de 58 ans, par ailleurs leader mondial de l’information sur le marché de l’art via sa société Artprice, y démultiplie les opérations alchimiques : plus de sept mille œuvres exposées, impliquant débris d’avion ou de sous-marin nucléaire, crânes géants, masses de fer énormes capables de déstabiliser les boussoles, pochoirs de figures politiques – dont l’iconique masque blanc à moustaches de Guy Fawkes, conspirateur anglais popularisé par la bande dessinée V pour Vendetta. Ouverte au public et gratuite sept jours sur sept, La Demeure du Chaos s’apprête à devenir « une jungle », comme les palais en ruines de la cité maya de Palenque. « Nous rentrons dans un vaste plan de végétalisation à outrance de toutes les sculptures, qui seront dévorées par des plantes venues de différents continents : lierre mexicain, roseaux, fougères à très haut développement… »
Dans ce contexte de néo-primitivité, celui que Le Monde décrivit comme « le plus punk des patrons français, pionnier d’Internet, adepte des scarifications, aviateur chevronné, passionné de sciences occultes, éleveur de chevaux de trait, polygame et organisateur de soirées décadentes… » appelle à la constitution d’une « gigantesque tribu » de soixante-sept millions de contestataires tissés de peuples reconnaissables à leurs masques ancestraux, que nous fabriquerons avec « des plumes, des combustibles, du ciment, des vers marins, des matières fécales ou de récupération », « pour faire frémir les forces de l’ordre, à l’heure où le pouvoir se démasque enfin ».
Pour visiter à dos de drone La Demeure du Chaos, c’est ici.
Visuel © Onibaba, de Kaneto Shindô (1964).