Cet écrivain nantais, lauréat 2019 du Prix de la Page 111, se bricole une communauté rurale et végane, sans chef, où les petits garçons feront le ménage, où l’on pourra « cueillir des mûres et collectionner les aventures ».
« Tous maçons et donc optimistes, pensant systématiquement que ça irait, ou que ça passerait, qu’il ne fallait pas se mettre la rate au court-bouillon, qu’en ajoutant un peu ici, le mur tiendrait bien droit, ou un peu de mortier et la fenêtre serait dans l’axe, que d’ailleurs on avait toujours fait comme ça. » Du bon boulot, cette page 111, tirée du roman Le Bruit des tuiles de Thomas Giraud – à tel point que cet écrivain nantais reçut sur Nova, à l’automne 2019, dans la cale de la péniche Grande Fantaisie à Paris, le très convoité Prix du même nom, sous les hourras du public, en direct. « Des gens qui bricolaient tous le temps (…) sans imaginer une seule seconde que les choses planifiées permettraient pourtant d’être mieux pensées et mieux accomplies. »
Mieux bâties, comme le roman complet de Thomas Giraud (que nous avons fini par lire en entier, ne le répétez pas, il en va de notre réputation), paru aux éditions de La Contre-Allée. Ce Bruit des tuiles, où s’élève calmement le récit du philosophe français Victor Considérant (1808-1893), qui tenta, au Texas, malgré « la peur des toits qui s’écroulent », d’établir un phalanstère, baptisé « Réunion », niché dans une « ville ex nihilo sortie de terre », inspiré des communautés de Charles Fourier. Pour une trentaine de personnes, cela dura une poignée d’années, entre travaux agricoles, de couture ou de cordonnerie, dans un « drôle de hameau, plein de vide, d’espaces, de vent », sous un soleil écrasant, près de serpents à sonnettes.
Tel le courageux Victor, Thomas Giraud, également docteur en droit public, énumère aujourd’hui quelques-unes de ses utopies préférées, avant de bricoler la sienne, façon « grand bazar démocratique » à longues palabres : une communauté rurale et végane, dirigée par binômes tournants, où l’on pourrait « cueillir des mûres et collectionner les aventures » ; quant aux petits garçons « qui aiment faire des choses et un peu dégoûtantes », on s’appuiera encore sur la consigne fouriériste : ils s’occuperont du ménage.
Pour réécouter le sacre de Thomas Giraud lors de la dernière édition du Prix de la Page 111, c’est ici : https://www.nova.fr/news/le-prix-de-la-page-111-edition-2019-2-33461-17-10-2019/
Image : Cocoon, de Ron Howard (1985).