L’album du sud-africain est sorti le 3 novembre 2017 chez Stones Throw
Qu’est-ce qu’un “tokorat” ? Selon Jonti, un “mutant bizarre et multicolore, composé de tous les éléments de votre histoire et toutes les complexités de votre personnage”. C’est avec cette définition alambiquée que l’album du même nom prend sens : ce plateau de démons fourrés, au même glaçage pop, est définitivement l’un des plus jolis mets de cet automne.
Jonti Danilewitz s’est clairement beaucoup cherché : né à Johannesburg, il a vécu à Los Angeles puis New York, avant de s’installer en Australie. Auteur d’un premier album en 2012, il s’est par ailleurs fait connaître par ses concerts-hommage au projet australien culte The Avalanches, dont l’album complètement fou Since I Left You, sorti en 2001, avait repoussé à l’époque les frontières du sampling. Un hommage auquel le groupe a tellement été sensible qu’ils lui ont proposé de rejoindre leur formation live au moment de leur second album Wildflower, sorti l’année dernière.
Un parcours qui fait sens à l’écoute de ce nouvel album de Jonti, qui semble partager avec The Avalanches un goût pour la dérive et le chaos organisé. Enregistré dans un appartement new-yorkais, terminé dans un garage de la banlieue de Sydney, Tokorats est un voyage pop, psychédélique mais au perfectionnisme parfois périlleux : son auteur a d’ailleurs mis près de six ans pour finir l’album, ayant produit, dit-il, une centaine de versions de chacun des quinze titres qui le composent. Un résultat dense, donc, nappé de réverbérations mélancoliques, avec au coeur la voix, décuplée, étirée à l’envi sur des rythmes jazz ou hip-hop. On pense souvent aux Fleet Foxes chantant sur des productions de Madlib, avec qui il partage d’ailleurs le même label, l’excellente marque de qualité Stones Throw.
S’il est difficile de se frayer un chemin parmi les paysages foisonnants de l’album, l’élégance des arrangements — les cordes délavées, les délicates notes de clavier, la chaleur des voix même quand elles sont déshumanisées — remporte l’adhésion (un titre de Jonti est d’ailleurs présent sur notre coffret Haute Musique II sorti récemment). Jonti était peintre avant d’être musicien et cela se ressent : le pinceau brouille les couleurs, mêle les textures, décompose les structures. Cela n’est jamais aussi évident que sur Tokorats, le titre éponyme, où un rythme soul-funk frénétique s’élance sur des boucles de voix angéliques. La mélodie du couplet est imparable, mais Jonti refuse de se limiter au carcan traditionnel de la pop. Digne descendant de Brian Wilson, il cache des picotements de cordes dans les recoins du morceau, qui se gonfle peu à peu d’orchestrations, allant jusqu’à s’échapper au dessus de nos têtes.
Ailleurs, le confort d’écoute nous est refusé avec malice : Sleeping and Falling, premier single de l’album et notre choix pour l’antenne de Radio Nova, nous fait successivement rêver (emmitouflés de cordes et d’harmonies) puis trébucher (avec des arpèges du piano et des breaks saccadés). ll faut attendre Love Prayer et son îlot de voix pures pour reprendre une respiration méritée, avant de replonger dans les profondeurs de Papaya Brothers, autre coup de coeur au refrain jouissif, évoquant Washed Out à une cocktail party. Meese Man, quant à lui, est un point d’orgue parfait à l’album, un hymne religieux fondé sur l’expression la plus simple et la plus touchante d’une mélancolie pudique : “I miss you” (« Tu me manques”).
Tokorats est sorti le 3 novembre 2017 chez Stones Throw.
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