La rappeuse canadienne nous parle de son alter ego, avant la sortie de son album « Genesis ».
On l’a découverte en 2015 sur Youtube avec l’explosif « Execute ». Un morceau extrait de son premier album qui sortait la même année, World Vision, sur Awful, le label d’Atlanta . Ce long format était censé faire l’objet d’une trilogie. Projet avorté dès le deuxième volet, World Vision II, qui ne verra finalement jamais le jour. Après deux années de tergiversation, elle revient sous un nouveau label, Downtown Records, et un dernier single, « Tommy », toujours aussi abrasif. Un morceau produit par Charlie Heat, qui a notamment travaillé avec Kanye West sur The Life of Pablo. On ne connaît toujours pas son âge, ni l’endroit où elle vit. On connaît sa fascination pour M.I.A, son affinité avec Abra, avec laquelle elle a déjà collaboré sur deux titres dont l’intriguant « Hair Like Water Wavy Like The Sea ». La rappeuse canadienne Tommy Genesis nous a accordé quelques minutes d’interview après son live au Pitchfork Festival ce week-end pour parler de son nouvel album, « Genesis » – dont la sortie serait imminente – mais aussi de son alter ego un brin maléfique : Tommy.
L’année dernière tu jouais à l’avant-garde, aujourd’hui à la Grande Halle, ça fait quoi de passer de l’un à l’autre ?
Tommy Genesis : Honnêtement, j’ai préféré l’année dernière. Je ne suis pas aussi bonne quand je suis seule. Je préfère les salles intimistes. J’aime aller dans le public, m’approcher de quelqu’un, voir ses yeux et rapper pour eux, même si ça sonne un peu ringard.
Qui est cette « Tommy » à qui tu t’adresses dans ton dernier single ?
Tommy Genesis : Est-ce que tu insinues que je suis folle ? (rires) Tommy, c’est un nom que je me donne. C’est un alter ego. Je suis l’amie qui est gentille et timide, je ne suis pas l’amie énervée. Quand je suis sur scène, je dois devenir Tommy. Sinon, je me poserai sur une chaise avec mon micro pour parler et chanter. Et ça ne va pas avec ma musique, qui est essentiellement du rap.
Tes parents sont chrétiens, tu as grandi dans un environnement familiale où la religion avait une place importante, quel regard tu portes là-dessus aujourd’hui ?
Tommy Genesis : Ce n’était pas religieux. J’ai grandi dans une maison très spirituelle, et je suis toujours une personne très spirituelle. On allait très peu à l’église. Certaines choses comptent plus que les règles imposées par des livres, comme celle de « ne pas faire l’amour avant le mariage ». Je ne crois pas qu’il faut suivre les règles. C’est le moment où tu laisses les gens contrôler ta vie.
Pourquoi la thématique de la sexualité est-elle aussi présente dans tes textes ?
Tommy Genesis : Je n’y pense pas. Beaucoup de gens catégorisent ma musique comme sexuelle, juste parce que j’en parle. Mais je parle de beaucoup de choses. Je ne le fais pas consciemment. Si on essaie de rendre un son sexuel, ça ne sonne pas bien. La sexualité pour moi a d’abord à voir avec l’identité, et pas avec le sexe. Je n’ai pas à raconter ma vie intime, à parler de mon orientation sexuelle. Mais je parle de mon identité.
Tu sortais ton premier album en 2015, qu’est-ce qu’il s’est passé depuis ?
Tommy Genesis : En fait, j’ai fait un autre album, World Vision II, mais je l’ai jamais sorti. Il y avait 14 morceaux dessus. Je le sentais pas. Il représentait la personne que j’étais avant. Je voulais un album qui soit davantage à mon image. Dans mon nouveau projet, il doit y avoir deux morceaux où je rappe, le reste, je chante. Il y a moins d’insultes, moins d’affront.
Tu te sens plus apaisée ?
Tommy Genesis : Non, juste plus honnête. C’est la différence entre Tommy et Genesis. Ce nouvel album s’appelle « Genesis », parce que c’est vraiment moi.
Visuel : © Vincent Arbelet