Ne nous mentons pas, cette histoire sera triste parce qu’elle parle de la fin d’un temps où les hordes de bisons galopaient encore dans les grandes plaines américaines.
À la fin du 19e siècle, la civilisation occidentale a repoussé ce qui reste des tribus indiennes vers des réserves toujours plus misérables, plus reculées, plus malsaines. La maladie, la famine et le désespoir s’installent chez ces peuples qui ont une conscience d’autant plus aiguë de la fin de leur monde que Washington ne s’en cache pas : l’avenir des tribus, ça consiste à se soumettre ou à mourir.
Au début de l’année 1890, dans les réserves du Dakota, la chasse n’est plus possible, le nomadisme non plus. Il ne reste que les récoltes, mais elles sont maigres parce que les Indiens ont des mauvaises terres et que leur culture n’a jamais reposé sur l’agriculture. Alors que la famine éclate, la colère qui grondait depuis des mois prend soudain la forme d’un mouvement religieux, la Ghost Dance, La Danse des Esprits. Son fondateur, Wovoka, en appelle aux esprits des Anciens mais la Ghost Dance est d’abord pacifique. Elle prophétise bien la fin de l’homme blanc mais n’appelle à aucune guerre, au contraire. Mais poussés à bout, certains guerriers Sioux s’éloignent de Wovoka et développent une autre version de la Ghost Dance, basée sur l’idée qu’un Messie amérindien va se lever pour guider les tribus vers la victoire.
Sitting Bull, le grand Sitting Bull, jette tout son poids dans la balance pour calmer les esprits, mais il n’interdit pas la Ghost Dance à ses hommes et ça, c’est exactement le prétexte dont Washington a besoin. Le 15 décembre 1890, on envoie des policiers pour arrêter le grand chef Sioux. Les esprits s’échauffent, des coups de feu partent et le vieil homme-médecine meurt d’une balle tirée dans la nuque.
Les Etats-Unis viennent de réussir l’exploit de tuer l’un des sages indiens les plus respectés. Pour. Rien.