Les militantes Femen et un rappeur ont été condamnés par la justice tunisienne
Rappel des faits. Le 29 mai, Marguerite Stern, Pauline Hillier et Josephine Markmann ont été arrêtées en Tunisie. Venues soutenir leur camarade Amina Sboui (pour qui elles s’étaient déjà mobilisées), les trois féministes ont été condamnées pour « atteinte aux bonnes mœurs ».
Mais quelles sont ces bonnes mœurs dont on parle ici ? Car ce qu’il faut retenir c’est que la partie civile est constituée de 14 associations islamiques.
Rappelons-nous que l’Islam est la religion officielle en Tunisie (plus de 98% de la population est musulmane) et que le projet de constitution adopté le 22 avril 2013 dit bien que celle-ci est fondée sur les principes immuables de l’islam. Mais cette prégnance de la religion ne doit pas pour autant être envisagée comme une entrave nécessaire à la démocratie. Car la liberté d’expression est théoriquement garantie, dans la mesure où elle respecte « une loi qui protège le droit des autres, leur réputation, leur sécurité et leur santé ». Et le statut de la femme, déterminé notamment par le Code du Statut personnel (CSP), est réputé pour sa modernité eu égard aux autres systèmes juridiques du monde arabe.
Mais de cette modernité historique, il ne semble pas rester grand chose aujourd’hui.
C’est le 1er mars 2013, jour où Amina Sboui (ou Amina Tyler) a diffusé une photo d’elle seins nus disant « Mon corps m’appartient et n’est source d’honneur pour personne », que le combat des Femen a commencé. Immédiatement après cet appel à la résistance, la jeune tunisienne de 19 ans a reçu des menaces de morts de la part de la frange extrême du sunnisme, les salafistes. Les Femen se mobilisent alors pour la soutenir et font en sorte que la parole d’Amina, réduite au silence par sa famille, résonne dans le monde.
C’est après l’arrestation d’Amina le 19 mai, pour profanation d’un cimetière, que les militantes féministes se rendent en Tunisie. Elles sont arrêtées le 29 mai pour avoir manifesté seins nus devant le tribunal de Tunis, en soutien à leur jeune camarade.
Tout le monde ne partagera pas l’avis de celles que l’on appelle aujourd’hui les sextrémistes et les gens sont en droit de discuter de la nécessité de respecter la diversité des cultures et des mœurs.
Pourtant, ce n’est pas de spécificité des cultures dont il est question ici, mais de fondamentalisme religieux. C’est ce que dénoncent les Femen. Et ce qui ne doit pas faire de doute c’est la nécessité de libérer ces quatre jeunes femmes. Leurs conditions d’enfermement, le caractère expéditif et la sévérité de leur jugement, l’absence de neutralité de la justice sont autant de signes de la radicalisation de l’islam en Tunisie. La condamnation à 4 mois de prison de ces quatre Femen sonne le glas, sinon de la liberté de la femme tunisienne, au moins de la liberté d’expression. Et il ne faut pas penser cet événement comme un chapitre isolé de l’histoire, mais bien le considérer comme la preuve que le printemps arabe a malheureusement souvent tourné à un été islamiste.
Car se jouait aujourd’hui un autre procès symbolique, celui du rappeur Weld el 15, condamné à deux ans de prison pour sa chanson Boulicia Kleb (ci-dessous) où il s’en prend à la police tunisienne. Son cri est celui de la jeunesse tunisienne, et en condamnant ce jeune au silence, c’est bien la liberté d’expression en Tunisie qui est mise derrière les verrous.