Une remarquable exposition au musée du quai Branly décrypte la portée historique, sociale politique, de films où l’on se met de sacrées branlées.
Le cinéma d’arts martiaux asiatique a longtemps manqué de reconnaissance critique. Peut-être par mépris envers un cinéma dédaigné parce qu’estimé impur ou marginal alors qu’il aura été un des plus populaires au monde. Ou simplement parce que considéré comme un vulgaire cinéma d’action pour prolos. À tort quand derrière les prouesses physiques, il s’est toujours attaché à l’enseignement des vertus de disciplines aussi mentales que corporelles.
Depuis une trentaine d’année, le regard porté sur ce cinéma a évolué pour admettre sa richesse, sa complexité et surtout la pertinence d’une identité cinématographique, de son extension du cinéma burlesque à sa relation profonde avec l’histoire de l’Asie est ses mouvements sociaux. De très nombreuses rétrospectives lui ont rendu hommage comme sa noblesse. Une exposition vient renforcer la chose en mariant cinéma et collections du musée du Quai Branly.
Des films aux objets traditionnels
Il est assez pertinent que ce musée dédié aux arts et cultures primitives accueille un cinéma longtemps jugé primitif, au mauvais sens du terme, dans son rapport à la violence. Il y a même quelque chose de très beau à rattacher des objets traditionnels à des films, les faire se converser au gré des salles et des nombreux extraits pour lier spiritualité, légendes ancestrales et décryptage d’un art de vie guerrier. Les films sont remis en perspective avec les secousses des périodes historiques, délestant ce cinéma de sa réputation de spectacle bourrin pour les recontextualiser, expliquer la signification d’une technique ou d’un geste, révéler leur portée philosophique comme politique.
La majorité des films choisis parlent en fait d’apprentissage, de transmission des traditions, de code d’honneur. Mais aussi de la modernité permanente de ce cinéma-là que ce soit par le rôle des femmes dans les films de sabre japonais ou hong-kongais ou dans l’incroyable complexité de scènes de combat plus virtuoses les unes que les autres. Il faut à ce titre saluer la scénographie de cette exposition, qui ne réduit jamais le champ ni le cadre des extraits à de simples vignettes. Au contraire, le choix a été fait de les présenter sur de grands écrans. Idem pour la hiérarchie, veillant à ce qu’aucun genre, de la kung-fu comedy au chambara ne soit négligé. Même quand il faut en passer par un passage obligé, par exemple l’évocation de Bruce Lee, la figure la plus iconique de ce cinéma, c’est par une salle spéciale, superbement dédiée aux mouvements du Petit Dragon, mais sans qu’elle écrase le reste.
On pourra pour autant faire le petit reproche de l’absence de certains pays et cinématographies, comme la Thaïlande, l’Indonésie, ou le Vietnam alors que c’est aujourd’hui là-bas que les films d’arts martiaux connaissent désormais un renouveau, pour se concentrer essentiellement sur le cinéma et les cultures chinoises et japonaises. Mais après tout tant mieux, ça laisse de la matière pour une éventuelle future extension à cette exposition aussi foisonnante que remarquable d’intelligence rappelant que la philosophie est bel et bien un sport de combat.
Ultime combat, arts Martiaux d’Asie. Au Musée du Quai Branly, jusqu’au 16 janvier