Le mythique studio d’enregistrement édite un dernier disque. On est allé poser quelques questions à l’un des instigateurs du projet.
Dans les filets du Today’s Special d’Armel Hemme ce mardi, un studio d’enregistrement mythique : le Studio Davout à Paris, ouvert en 1965 et fermé définitivement en 2017. On en parle à l’occasion de la parution d’un disque, le dernier disque de l’histoire des Studios Davout… Un projet hybride qui réunit quatre groupes, proposé par le label SK Records. Ça valait bien un coup de fil à Vincent Cuny, l’un des initiateurs du projet.
Qu’est-ce que c’était que ce Studio Davout ?
Vincent Cuny : C’est un studio qui a été monté dans les années 60 par deux ingénieurs du son qui travaillaient déjà pour d’autres studios avant et qui ont monté le premier studio d’enregistrement indépendant en France. C’est -à-dire un studio qui n’était ni rattaché à un major ni à un label. Il y a eu beaucoup de musiques de film enregistrées là-bas, car c’était le premier studio qui avait un système avec un projecteur pour que le chef d’orchestre puisse diriger l’orchestre en regardant les films… Des gens du standing de Michel Legrand ont enregistré là-bas. Lui y a par exemple enregistré la bande- son des Demoiselles de Rochefort. Ce studio a traversé les âges, les époques et il a fermé ses portes en mars 2017.
Parmi les artistes ayant enregistré là, on trouve John Barry, Lenny Kravitz, AC/DC, David Burn, Jane Kelly, Lou Reed, Herbie Hancock, Prince, The Cure, The Rolling Stones, Eminem, Mile Davis… La liste est très très longue. Vous avez eu la chance de rendre un dernier hommage à ce studio ?
Vincent Cuny : On aime bien le terme de « salut », ce truc un peu salutaire de profiter de ces conditions exceptionnelles. C’est un studio qui faisait quand même la taille de près de deux terrains de basket, où la configuration permettait d’accueillir des orchestres jusqu’à une centaine de musiciens pour jouer des gros trucs. Une qualité incroyable pour enregistrer de la musique et donc on s’est dit qu’il fallait profiter une dernière fois, faire un projet, se lancer. On avait trois mois pour lancer le projet puis on a invité les artistes qu’on aimait bien pour faire un disque, ce qu’on appelle un split.
Est-ce que ce genre de grand studio ne représente pas une autre époque ? Si on met de côté les orchestres qui ont besoin de beaucoup d’espace, est-ce qu’on peut faire de la musique et s’enregistrer avec pas grand-chose aujourd’hui ?
Vincent Cuny : Pas vraiment parce que, finalement, il est resté actif jusqu’à la fin. Les quatre studios offraient vraiment des configurations différentes, l’un était super bien pour les voix- le studio B où Claude François enregistrait toutes les voix de tous ses albums parce qu’il trouvait ça super. Il y avait aussi, au-dessus, une pièce qui était toute en marbre et servait toujours pour les gens qui souhaitaient ce type de réverb très particulier. Pour moi on n’est pas dans une autre époque. Effectivement les home studios ont débarqué depuis déjà une bonne vingtaine d’années, peut-être même plus. Mais finalement pourquoi choisir ? Il ne faut pas l’un ou l’autre, c’était super d’avoir cette structure et je trouve que c’est une grosse perte pour la musique, pour ce que ça offrait techniquement. Pour moi c’est un peu un nivellement vers le bas de perdre un équipement comme ça.
Citons rapidement les groupes que vous avez réuni pour ce projet de dernier disque enregistré au studio Davout : le groupe français Noyades, le duo anglais Tomaga, Jozef van Wissem joueur de luth et prix de la meilleure musique originale à Cannes en 2013, et le groupe belge noise La Jungle. Des projets très différents donc.
Vincent Cuny : Sur le papier on pourrait se dire que c’est quelque chose qui était assez ambitieux d’unifier les styles de musique de ces quatre artistes différents mais finalement ça rend bien hommage au studio puisque ça utilise toutes ses possibilités en terme d’acoustique. C’est un beau lp gatefold avec un carnet, dedans il y a plein de photos, le vinyle est rouge transparent, on s’est bien fait chier quoi. C’est un bel objet.
Today’s Special par Armel Hemme, c’est tous les matins dans la Grasse Matinale de Nova.
Visuel © SK Records