La chronique de Jean Rouzaud.
On connaît encore (par miracle) la chanson « Gloria », un tube de la grande période « Jerk », pré-hippy. C’était le groupe Them (eux), une bande d’Irlandais de Belfast, qui nous a donné cet hymne anti-rouille.
Mais le vrai porte-parole de ce chant s’appelle Van Morrison et a connu plusieurs heures de gloire ou de fortune, et aussi bien des errances allant de son île natale à l’Amérique ou les soubresauts de la contre-culture l’avaient attiré : show-business et monnaie de singe.
« Van the Man »
Van Morrison le mauvais coucheur, surnommé « Van the Man », n’aura de cesse de se plaindre et d’insulter les journalistes musicaux, soit pour leur arrogance, soit pour leur ignorance. Il avait même fait pleurer Viviane Goldman, une de nos alliées anglaises d’Actuel, via The Face.
L’homme, chanteur accompli, joueur de sax, a flirté avec le Jazz, la Pop, le Brit Rock, le Blues, le Skiffle, le Folk et toutes sortes d’inspirations poétiques, trempées dans les poésies de Rimbaud à Dylan Thomas, en passant par Blake ou Yeats…grande culture oblige.
Avec sa voix chaude, éraillée, mais puissante, mélodique, il est un incontournable de morceaux sentimentaux. Un peu comme Elton John, avec un soupçon de Joe Cocker, il a dû influencer Rod Stewart, il a même intéressé Lou Reed ou Dylan pour ses textes, il est un cousin éloigné de Captain Beefheart (plus calme), mais aussi de Doctor John…et même Shane Mc Gowan (Pogues) s’est approché de lui avant de se fâcher (comme tout le monde).
On peut continuer longtemps avec ce petit homme rouquin, trapu, mal embouché, autoritaire, plein de rêves médiévaux, de légendes celtiques, d’envolées poétiques, de colère contre le monde…
Il est un peu un monde à lui tout seul, et a pu faire une carrière de plus de 40 ans (qui dure encore) raflant prix , honneurs et bravos, malgré une propension à se friter avec à peu près tout le monde.
Didier Delinotte (qui avait déjà frappé fort avec les Kinks et encore plus fort avec les Pretty Things) nous offre donc sur 500 pages, dans sa collection Camion Blanc (une institution pour happy few), l’épopée détaillée de cet ex Pop star (il a même chanté avec Cliff Richard !) et de son tour du monde, en tant que monument d’un Folk Rock Blues qui a l’air de ne jamais s’éteindre.
C’est toujours fou de lire la vie de ces quelques individus incassables, malgré les excès (alcool notamment), l’existence assez ingrate de musiciens, provocateurs de tempêtes et de revers permanents.
Utopie et chute
Van Morrison raconte en fait ce que toute une génération en quête d’absolu a vécu, entre utopie et chute, réenchantement du monde et amertume…Mais lui serait plutôt genre taureau de combat, il a épuisé quelques épouses et aussi quelques maisons de disques !
Pour tenter de mieux vous donner l’image du mec et vous achever : il est un catholique irlandais donc, (un peu témoin de Jéhovah, un peu scientologue ?), et ses parents, branchés musique, lui ont donné l’amour pour un Folk Blues mâtiné de Country et révélateur de conscience : Hank Williams, Muddy Waters, Woody Guthrie et enfin Leadbelly, qui fut son modèle de base.
Mais il a tant évolué et bougé qu’il a conclu en disant qu’il avait transcendé tout ça, et jouait définitivement et uniquement du Van Morrison, histoire d’en finir avec les éternelles références…et les journalistes musicaux !
Van Morrison. Quand le poète saoul engueulait l’univers. Par Didier Delinotte. Éditions Camion Blanc. 500 pages. 32 euros (même auteur, même édition : The Pretty Things, The Kinks, Procol Harum, Flamin Groovies…) 400 titres dans cette collection, institution à forte tendance Rock N Roll…
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