« On fait taire la joie, on muselle la musique, on interdit aux œuvres d’habiter le monde physique. »
On s’insurge dans Libé aujourd’hui. Et pour cause, le décret 2017-1244 du 7 aout 2017 limite depuis août dernier le volume sonore dans les festivals, discothèques, et autres événements festifs diffusant du son et dont la capacité d’accueil est supérieure à 300 personnes. Ce texte de loi vise à prévenir les risques liés au bruit et aux sons amplifiés. Le décret fait baisser le volume à 102 décibels, alors qu’il était fixé à 105 depuis 1998. Les clubs et festivals doivent donc afficher leur niveau sonore et rendre des comptes aux autorités en cas de contrôle.
Jean-Michel Jarre, Laurent Garnier, Jeff Mills
Ce 20 octobre, dans Libé donc, un collectif appelle à ne pas sacrifier la liberté artistique au nom de la santé publique. La tribune est intitulée « Faites du bruit pour sauver la musique ». « Nous considérons les restrictions sur le son amplifié comme une atteinte au droit moral des auteurs sur leurs œuvres, par là même dénaturées. Qui aura envie de payer son entrée dans un lieu où la musique sera réduite par la restriction sonore, à n’être qu’un lointain écho d’elle-même ? », écrivent les signataires parmi lesquels Jean-Michel Jarre, Laurent Garnier, Jeff Mills, et Jack Lang, de nombreux lieux parisiens, ainsi que des festivals comme le Hellfest et les Nuits Sonores.
« Nous considérons les restrictions sur le son amplifié comme une atteinte au droit moral des auteurs sur leurs œuvres, par là même dénaturées. »
La tribune prend le parti des artistes, de la danse et de la musique, « reléguée au statut d’agression sonore ». De plus, les réglementations visent particulièrement les basses fréquences, « la sensation de vibration perçue physiquement par le public et inscrites dans l’ADN des œuvres musicales. » Les basses, celles « qui font danser » sont à la base de la culture musicale et festivalière actuelle. « Au volume exigé par ce décret, la sensation physique n’atteint plus son objectif. Si nos corps, nos capacités de perception, nos mémoires ont du mal à y renoncer, c’est bien que cela fait partie du bonheur d’entendre ces œuvres dans leur plénitude. Ce décret les défigure, ce texte les dénature. »
Le texte exige également la mise en place d’espaces de repos et d’isolement phonique. Les plus petits établissements ne pourront pas survivre à de telles obligations. Une demande d’annulation du décret a été déposée au Conseil d’État le 9 octobre 2017 par la Chambre syndicale des lieux musicaux, festifs et nocturnes.
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