Sauf qu’il avait juste perdu son passeport…
Comme le relatent nos confrères du Monde dans une enquête, Roland Tchikaya a vécu une étrange histoire au sein même de son domicile. Il devait ce matin-là, comme tous les jours, se rendre au Carrefour de Tourville-la-Rivière où il travaille, quand, à six heures du matin le voilà perquisitionné, menotté devant sa famille et immédiatement placé en état d’arrestation dans une affaire de cybercriminalité.
Au début, il y a de quoi croire qu’Hadopi a réellement musclé son jeu pour les quelques séries qu’il a pu télécharger en torrent, avant de comprendre que son nom est cité dans une vaste enquête internationale, menée par les Etats-Unis, visant à démanteler un réseau cybercriminel.
La police saisit tout son matériel informatique, sous le regard ahuri de ses proches.
C’est 10 ans plus tôt que tout commence. En 2008 Roland Tchikaya emménage chez sa sœur avec ses cartons et un homme qui vit alors au même endroit s’évapore exactement au même moment. Pensant avoir égaré son passeport dans les cartons, Roland en déclare la perte.
Vous voyez le scénario se profiler.
Quelques mois plus tard, on lui réclame déjà près de 10 000 euros de prêts contractés en son nom…
Après une bataille juridique il obtient gain de cause dans une affaire d’usurpation d’identité, mais ces 10 000 euros n’étaient qu’un début. C’est pas moins de 200 000 euros qui lui seront réclamés par la suite. Il utilise à chaque fois le premier jugement pour justifier de sa bonne foi.
Mais ce matin-là, les choses prennent un tout autre tournant. Un long interrogatoire et une garde à vue à la clé, à Nanterre bien loin de chez lui. À ce moment là, la justice américaine s’apprête à annoncer l’arrestation de treize cyber-criminels dans le cadre d’une enquête de grande envergure avec Interpol, dont le pauvre Roland semble faire partie.
Pour la justice, en effet, Roland n’est autre que « Darker » ou encore « dark3r.cvv » qui vend des numéros de carte de crédit sur Infraud. Ce Darker aurait tout de même généré 404 000 euros de profits avec ces numéros de carte bleue.
Au bout d’un certain nombre d’heures d’entretiens et d’interrogatoires, la police constate l’impossibilité assez évidente de sa participation à ces activités criminelles, notamment sur les questions d’ordre informatique. Mais l’épisode reste traumatique, le matériel est saisi sur le long terme et l’angoisse de pouvoir à nouveau être menotté et soupçonné dans une affaire plane toujours. D’autant qu’aux Etats-Unis l’affaire n’est toujours pas classée et que l’usurpateur court encore, avec visiblement une certaine maîtrise des activités frauduleuses sur Internet qui peuvent prendre une ampleur sans limite.