Cassady : le modèle de la Beat Generation.
La naissance du style «HIPSTER» des aventuriers intellos de la « Beat génération » vient de deux rencontres principales.
D’un côté, Herbert Huncke, un éternel fugueur, junkie, plein de ressources et qui va inspirer William Burroughs. Son expression favorite est : « I am beat » : je suis crevé, fourbu (rien à voir donc avec Béat ou le Beat, comme le dira plus tard Kerouac)
Et voici le flamboyant Neal Cassady, inspiration absolue de Jack Kerouac, qui finira sa vie (de 1964 à 1968), au volant du bus de Ken Kesey, avec sa bande de Merry Pranksters et des Grateful Dead, les pionniers du LSD, du light show et de la Pop west coast.
Huncke comme Cassady ont pondu leur stupéfiants livres de mémoires, après avoir servi de personnages de référence dans les livres de Burroughs et Kerouac .
Aux éditions Finitude paraissent les lettres de Cassady (de 1944 à 1950), sous ce titre « UN TRUC TRES BEAU QUI CONTIENT TOUT ».
Le titre qu’il aurait voulu donner à un livre-album total sur lui-même et ses pensées éclatées…
Précieuses lettres où l’on voit cet ex fils de clochard survivre (car il a littéralement été élevé dans des asiles et hospices, des rues et des squats où son père, hobo errant, l’a fait vivre et où il a tout appris de la débrouille.)
Neal est beau, et possède une énergie folle. La bande de poètes de New York puis de San Francisco rêvent d’aventure et Cassady va leur en mettre plein la vue…
De son côté il est affamé de culture, de lecture, de Jazz… Et ses potes intellos vont lui donner de quoi se gaver et perdre la tête. Il va donc tout dévorer en autodidacte, ce qui va ajouter à sa vie de fou des résonances culturelles, poétiques et pseudo philosophiques !
Il rêve d’écrire comme Kerouac, et Kerouac d’être libre et fonceur comme lui !
Ses lettres à Kerouac, Ginsberg, Burroughs et « SES » femmes (car il ne cesse de coucher avec des filles, et même de se marier et procréer), sont celles d’un feu follet qui ne s’arrête JAMAIS, toujours en quête d’argent, de voitures (il en a volé 500 dans sa jeunesse), de vêtements ou de matériel pour s’en sortir …
Extraordinaire énergie perdue à courir après les très jeunes femmes, ou après ses amis poètes dispersés, plus les petits boulots ou arnaques, piaules et tout ce que la vie compte de trivial et de matériellement pesant.
Mais il « sent » une nouvelle ère de possibilités : drogues, musique, filles, voitures, voyages, conscience élargie, vision du monde éclatée, guidé par ses amis cultivés, mais qu’il exaspère par ses fugues et disparitions, ses emprunts et ses drames conjugaux !!!
Sur NOVA, j’ai raconté les livres de ses femmes en colère, rétablissant des actes peu glorieux de la bande, et aussi les critiques violentes de Bukowski, traitant certains Beat de vampires, inspirés par de vrais zonards, seuls capables de comprendre la rue.
Kerouac a largement confirmé que le concept de « Beat generation » fut un coup monté de toutes pièces par journalistes, éditeurs et autres agents autour d’une bande disparate et n’ayant finalement que très peu en commun. D’ailleurs, chacun suivra une route différente…
Avec ce livre, on rentre dans le quotidien brut, la BASE d’un style de vie fait d’expédients, d’éclairs, raconté dans Les clochards célestes, Sur la route ou Big sur, qui rendirent Kerouac célèbre, et Cassady fou de voir que la littérature faisait effectivement des miracles.
Et il fut pourtant lui-même la racine d’un genre littéraire !
Je laisse William Burroughs conclure :
« Neal est la véritable âme du voyage, comme mouvement pur, abstrait et sans but. Il est l’essence même du Mouvement, compulsif, prêt à sacrifier famille, amis et même sa satanée bagnole au besoin irrépressible d’aller d’un endroit à l’autre . » W.B.
Reste à découvrir cette correspondance inédite et un éditeur de qualité…Curieux et exigeant…Un couple d’amateur doués, survivant au milieu de la jungle de « trop de livres »..
Miracle.
_ »UN TRUC TRES BEAU QUI CONTIENT TOUT » Lettres de Neal Cassady (1944-1950) aux Editions FINITUDE . 330 pages . 23 euros (+ avec la biographie des principaux acteurs de cette histoire)
PS : La maison d’édition Finitude se trouve, depuis 2002, à Bouscat près de Bordeaux et dirige même une revue :« capharnaüm »