En salles ce mercredi, le film Les Apaches fait de La Corse une terre de western moderne…
C’est l’été, les nuits sont chaudes. Surtout pour des bandes de minots corses qui s’emmerdent. Alors ils squattent les villas innocupées de l’île, pour y faire la fête en bande. Ca drague au bord des piscines, ça vide les caves et frigo, et de temps en temps ça va un peu plus loin, la main dans le soutif des filles ou dans les tiroirs des baraques.
Jusqu’au jour où les mômes tombent sur la baraque qu’il ne fallait pas déranger. Et encore moins y piquer deux fusils de collection. Quand leur proprio s’en aperçoit, il va s’en plaindre à un des caïds de l’île… la fête sera bientot finie, et va virer au tragique.
L’histoire est vraie, elle s’est passée il y a une quarantaine d’années aux alentours d’Ajaccio. Elle pourrait très bien se répéter quasi à l’identique aujourd’hui. Sans doute de manière encore plus brutale.
Les Apaches, premier film de Thierry de Peretti parle surtout de ce possible bégaiement des temps vu sous l’angle d’un conflit de classes sociales. La Corse est la toile de fonds idéale pour ça : décor idyllique en surface, un peu plus crapoteux quand on va creuser sous le brocciu et le saucisson d’âne. De Peretti filme la face obscure de l’ïle de beauté. Paysages arides, ambiance de zone industrielle, et sang corse désormais mêlé à ceux du reste de la méditérannée: les gamins qui ont fait la connerie de leur vie, sont bien plus basanés que bronzés. Ici le maquis c’est devenu un terme d’argot : quand on parle de « Finir dans le maquis », on n’indique pas le chemin aux randonneurs du G20, mais la crainte de se faire flinguer.
La face obscure de l’ïle de beauté
La seule tradition locale qui subsiste dans Les apaches, c’est ce sens du drame associé à la Corse depuis Colomba de Prosper Mérimée. De Peretti fait juste moins dans le lyrique. Son film est sec, abrasif, avançant inéluctablement vers la violence. Elle est l’incroyable filigrane de ce film, toujours là, menaçant dans les rapports entre filles et garçons au début, planquée derrière chaque écart de langage , prête à déborder au moindre geste.
Loin des sérénades de Tino Rossi, la mélopée des Apaches, chante une société qui entremêle machisme et racisme de tous ordres. Chaque couplet fait remonter quelque chose de vénéneux, de contaminé, qui aurait suinté depuis le début des temps dans ce drôle de territoire.
Car De Peretti filme Porto-Vecchio et sa banlieue pour les resituer à une échelle de cinéma, en faire à la fois un bled français à jumeler avec des trous perdus du Sud des USA. Les Corses des Apaches sont cousins des Rednecks de la bible belt, que ce soit dans une mentalité archaïsme à une aspiration au bonheur simple. Et plus encore dans cet entre-soi : tout se règle entre « hommes » mais avec des lois qui tiendraient presque plus du régime animal sauvage. Dans Les apaches, on se renifle, plus qu’on se connaît, entre Corses d’appelation d’origine contrôlée et ceux qui sont nés au Maroc; ceux qui s’appellent François-Jo et ceux qui s’appellent Hamza.
Les Apaches est donc un western entre indiens, les cow-boys ni la cavalerie ne débarqueront jamais. Ou alors après que le film soit fini, quand il s’agira de ranger cette histoire dans le tiroir « faits divers », qu’on lira dans les journaux du continent, en se demandant comment tout ça peut arriver.
De Peretti se charge d’expliquer avec cette chronique de mômes convaincus de la toute puissance de la jeunesse jusqu’à en être aveuglé puis rattrapé par une réalité aussi cruelle que sordide, sous un soleil qui s’avère plus froid que prévu.
En salles le 14 août.