Immersion au Burkina Faso dans les années 2000, période où une génération de emcees et de producteurs développent un courant du rap tradi-moderne.
Derrière ce mouvement qui émerge au début du troisième millénaire se cache une histoire fascinante qui implique la politique de l’ancien président Thomas Sankara (chef d’État de la république de Haute-Volta, rebaptisée Burkina Faso, de 1983 à 1987). Cette histoire a justement fait l’objet d’un livre paru en septembre dernier, Faire Carrière dans le Rap au Burkina Faso, signé par l’anthropologue Anna Cuomo qui a eu l’occasion de se rendre au Burkina Faso en 2008. Un séjour immersif en Afrique de l’Ouest qui ne l’a pas laissé indifférente face à ce courant du rap qui mélange sonorités traditionnelles et modernes, du rap tradi-moderne.
Très proche du slam côté diction, cette mouvance incorpore donc des instruments traditionnels (le balafon et le bara doum doum) et il est écouté par toutes les générations de Burkinabés. À la fois par les jeunes qui le produisent, mais également les aînés, séduits par l’ADN traditionnel de ces musiques. Une jeune génération de producteurs et de rappeurs, basés pour la plupart à Ouagadougou, la capitale, est retournée dans les zones plus rurales du pays. Un retour loin des villes, là d’où sont originaires ces sonorités traditionnelles, pour s’en imprégner.
Cette démarche n’est pas arrivée naturellement. Comme Anna Cuomo l’explique dans son livre, ce mouvement est le résultat d’une politique culturelle initiée par le président Thomas Sankara dans les années 80. Sankara voulait alors créer une identité nationale forte en modernisant le terroir. La musique tradi-moderne est donc pensée comme un ciment qui a pour but d’unifier la population burkinabé en répondant aussi à des enjeux touristiques et financiers. Un produit qui s’exporterait pour présenter aux autres pays la culture du pays, un soft power en somme.
Pourquoi attendre les années 2000 ?
Le rap arrive dans les années 80 au Burkina Faso, mais s’écoute surtout dans des milieux plutôt aisés qui ont accès aux produits importés du reste du monde. Il faut attendre les années 90, époque où émergent les radios et les chaînes de télé privées, pour que ce genre se diffuse et se popularise.
Les premiers emcees burkinabés arrivent donc à la fin des années 80, début 90. A ce moment, la politique de Thomas Sankara lancée la décennie précédente a encore un impact sur l’industrie culturelle, favorisant les productions alliant éléments traditionnels et initiatives modernes. C’est ce qui conduit, au début des années 2000, aux premiers titres de rap tradi-moderne. Attention cependant, cela ne veut pas dire que ce n’est pas un rap sincère, au contraire, cette politique culturelle a simplement encouragé une génération de emcees à intégrer des sonorités traditionnelles.
Au-delà de vous permettre de constituer une playlist de rap burkinabé, Faire Carrière dans le Rap au Burkina Faso d’Anna Cuomo vous raconte les dessous d’une industrie culturelle
dont l’impact se ressent encore aujourd’hui. Et si vous ne comptiez pas faire carrière au Burkina, voici un exemple qui pourra sûrement vous convaincre.